Le meurtre de Hortense Luillier

Il est 5 h 40, ce 14 juillet 1852. Dans les rues de Pontoise, une charrette passe. Un homme y est assis. Les cheveux rasés, vêtu d’une blouse en toile bleue, le col dégagé, il affiche un regard est ferme et résigné. Un aumônier lui fait face. Le cortège s’arrête sur une petite place derrière l’église Notre-Dame où se presse la foule. «Des femmes, en majorité», relate un contemporain qui assiste à la scène depuis ses fenêtres, dans son journal repris par la Société historique et archéologique de Pontoise et du Vexin. «Dix minutes après, repasse la même charrette mais elle ne contient plus qu’un vaste panier recouvert d’une grosse toile.» Le bourreau, en redingote, précède la voiture et rajuste ses manches.

Louis Lullier, 23 ans, vient d’être guillotiné. Il est le dernier condamné à mort du Val-d’Oise.

Deux ans plus tôt, cet ouvrier tailleur de pierre avait pourtant failli réussir le crime parfait. Faire disparaître sa femme sans que personne ne s’en rende compte. Mais il a suffi d’une arrestation, une banale histoire d’escroquerie, pour qu’il passe aux aveux. Des aveux qu’on ne lui demandait même pas.

En 1848, alors employé modèle, Lullier épouse Hortense Lefèvre. Le couple, installé à Pontoise, attend rapidement un heureux évènement. Après la naissance, la jeune femme décide de se rendre à Paris pour devenir nourrice. C’est là que les ennuis commencent. Louis Lullier est persuadé que sa femme entretient une relation avec son employeur. Rongé par la jalousie, il lui demande de revenir à Pontoise. Elle s’exécute.
Mais le 5 novembre 1850, Hortense décide de retourner à Paris. «Tue-moi si tu veux, mais je ne veux pas rester avec toi !» lui lance-t-elle alors en préparant sa malle. Il se précipite sur elle et l’étrangle. Pour se débarrasser du cadavre, il se procure un tonneau vide et y fait glisser le corps. Mais où cacher ce tonneau ? Lullier dispose d’une cave à l’autre bout de la ville. Le tonneau calé dans une brouette, saluant les passants, le mari jaloux traverse Pontoise sans éveiller le moindre soupçon.

Mais les remords le poursuivent. Il sombre dans l’alcool et accumule les dettes. C’est alors qu’il s’implique dans une affaire de faux billets qui le conduira à sa perte. Les gendarmes parviennent à remonter jusqu’à lui. Et c’est dans le bureau du juge d’instruction, que Lullier, de lui-même, confiera avoir assassiné sa femme un an plus tôt. Le 26 mai 1852, après un procès d’une seule journée, la cour d’assises de Versailles le condamne à la peine de mort.

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