Il a le goût de la provocation, Andres Serrano. Ce photographe américain gravite, depuis les années 80′, autour de thèmes comme la religion, le sexe, la violence ou la mort. Et comme si la réputation du célèbre artiste ne suffisait pas, pour la rétrospective qu’ils lui consacraient jusqu’à ce dimanche, les Musées royaux des Beaux-Arts avertissaient, dans le titre (“Andres Serrano, Uncensored Photographs”), que des “photos non censurées” étaient montrées. “Quatre œuvres jugées scandaleuses et vandalisées lors de précédentes expositions [sont] présentées pour questionner les limites de la censure”, précisait l’institution sur son site internet.
La performeuse Deborah De Robertis a pris les Beaux-Arts au mot en allant un pas plus loin dans cette réflexion sur la censure. La semaine dernière, la Luxembourgeoise s’est rendue à l’exposition et a dévoilé son intimité au regard des visiteurs. Hauts tallons, casque vissé sur les oreilles, l’artiste s’était habillée en bonne sœur, comme dans la photo de Serrano “The Interpretation of Dreams (Triumph of the Flesh)”.
Sur une vidéo partagée sur sa page Viméo, on peut voir Deborah De Robertis jouer avec la gardienne qui tente de cacher l’entrejambe de la jeune femme. “Il y a une dame qui montre tout à tout le monde”, avertit-elle dans son talkie-walkie. Avec une teinte d’accent flamand, elle ajoute un peu plus tard : “S’il vous plaît, vous voulez arrêter ou j’appelle la police”.(…)
La trentenaire n’en est pas à son coup d’essai. Elle s’était déjà allongée nue devant le tableau “Olympia”, au musée d’Orsay, pour reproduire l’oeuvre de Manet sous les yeux des visiteurs. Elle avait également exposé son sexe devant “L’origine du monde” de Gustave Courbet.
L’artiste dit regretter que sa démarche soit taxée de scandaleuse. “Il est trop peu question de l’aspect performatif, expérimental ou humoristique de mes vidéos comme s’il s’agissait d’un acte impulsif et uniquement militant sans recherche esthétique.”
Du côté des Beaux-Arts, on dit “soutenir toutes les démarches artistiques, pour autant qu’elles respectent la sensibilité de chacun. Dans le cas présent, il n’était évidemment pas question de censurer la performance de Madame De Robertis, mais de préserver nos jeunes visiteurs qui traversent ce même couloir où débute le parcours de l’exposition temporaire ‘Andres Serrano. Uncensored Photographs’ pour se rendre au Musée Fin-de-Siècle. (…)
“Nous tenons à saluer la réflexion menée par l’artiste autour de la sexualité et de la nudité. L’exposition questionne elle aussi nos rapports à la censure et aux réalités parfois dérangeantes. Par sa démarche, Déborah De Robertis a entamé avec l’œuvre d’Andres Serrano un dialogue peu habituel. Nous ne pensons pas nous tromper en affirmant que Serrano lui-même apporterait tout son soutien à cette démarche”, répondent les MRBAB.
Présentation de l’exposition par les Musées royaux des Beaux arts de Bruxelles
Figure majeure de la scène artistique contemporaine, Andres Serrano révèle, à travers ses photographies, une réalité souvent dérangeante. La religion, la mort, le sexe ou la violence imprègnent l’œuvre de l’artiste américain et constituent autant de références dans la rétrospective que lui consacrent les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique*.
Au-delà de ces thématiques puissantes, l’exposition dévoile un Serrano attentif au monde et aux hommes. La carrière de l’artiste se décline aux Musées à travers les images les plus symboliques de toutes les séries qu’il a composées. De la fascination à la provocation : quatre œuvres jugées scandaleuses et vandalisées lors de précédentes expositions seront présentées pour questionner les limites de la censure. Montrer Serrano, c’est affirmer les valeurs qui nous fondent. Contre la barbarie et l’intolérance. Contre l’obscurantisme et l’inhumanité.
* Certaines images peuvent heurter la sensibilité. Elles sont exposées dans une pièce séparée.