L’Europe colonisée d’Yvan Blot

A travers L’Europe colonisée, Yvan Blot  s’efforce de décrypter le défi auquel l’Europe est aujourd’hui confrontée : sa colonisation.

Une colonisation non seulement par le bas, bien visible et issue d’une immigration de masse venue du sud et soutenue par une démographie galopante mais aussi une colonisation par le haut, plus pernicieuse, à la fois culturelle, politique, économique et religieuse dont la puissance tutélaire et hégémonique n’est ni plus ni moins que l’Empire américain. A ce titre, des organisations telles que l’Otan ou l’Union européenne ne doivent plus être considérées comme des organismes au service de l’intérêt des peuples européens mais des outils d’asservissement au plus grand bénéfice de la nouvelle Rome d’outre-Atlantique. Bien évidemment cette colonisation n’est rendue possible que par la servilité des élites politiques, financières, médiatiques et culturelles européennes.

“L’Europe colonisée” d’Yvan Blot

Afin de nous aider à mieux cerner les mécanismes favorisant la soumission de l’Europe, l’auteur applique à chaque étape de l’ouvrage un outil intellectuel établit en son temps par Aristote lui-même, le principe de causalité. A cette fin, la démonstration mise en avant est l’étude du temple grec dont les piliers de construction reposent sur :
– une cause matérielle : ce sont les matériaux comme le bois ou la pierre qui permettent la construction de l’édifice, c’est la cause technique ou économique ;
– une cause formelle : elle est à la fois juridique et politique : Ais-je le droit de le construire ?
– une cause motrice : ce sont les hommes qui construisent le temple ;
– une cause finale : la religiosité des grecs ou pourquoi construire ce temple ?

En se servant de ce concept aristotélicien, l’auteur est en mesure de dresser le tableau suivant :
– colonisation par la supériorité technique et économique c’est l’exploitation, la cause matérielle ;
– colonisation militaire et politique, c’est la satellisation ou la cause formelle ;
– colonisation par les hommes, c’est « l’invasion », même pacifique comme l’immigration ;
– colonisation mentale et culturelle c’est l’aliénation qui relève de la cause finale.

La supériorité technique et économique est révélée : par la maîtrise des technologies de communication par les Américains, et surtout le privilège du dollar comme monnaie de référence mondiale ; la colonisation militaire ou satellisation est assurée par le biais de l’OTAN ; la colonisation par les hommes est assurée par une immigration de masse visant à créer une société multiethnique ; l’aliénation est représentée par l’anglais, langue de « l’occupant » mais aussi l’obligation de révérer l’art abstrait, les choix vestimentaires, musicaux ou alimentaires des Européens.

L’auteur revient également sur les cycles historiques de la colonisation. A travers de nombreux exemples, il nous montre que la colonisation est un phénomène de va-et-vient continu et qu’en la matière il n’y a pas de fatalisme. En ce qui concerne l’Europe, le phénomène que nous subissons puise l’essentiel de ses racines dans les conséquences de la deuxième guerre mondiale : partage de l’Europe par les deux grandes puissances soviétiques et américaines puis effondrement du bloc de l’Est entre 1989 et 1991 qui ouvre la voie à la toute puissance américaine et au règne d’une oligarchie européenne totalement inféodée à Washington.

La décadence rencontrée dans l’ensemble du monde occidental et à fortiori en Europe trouve son origine au cœur même de la puissance colonisatrice : l’Amérique. C’est au cours des années 1960 que se sont en effet développées des théories plus ou moins marxistes et freudiennes qui ont prospéré dans les universités américaines formant les nouvelles élites du pays. Et c’est ce modèle de société anarcho-égalitariste qu’exporte désormais l’Amérique à travers le monde. A l’inverse, c’est la Russie postcommuniste qui aujourd’hui met à l’honneur les valeurs réprouvées en Occident : patriotisme, famille, éducation militaire, politique nataliste. L’auteur nomme ce phénomène l’inversion des pôles idéologiques.

Malgré une analyse plutôt pessimiste sur le devenir de l’Europe, Yvan Blot dresse néanmoins des pistes de réflexion pertinentes devant permettre au Vieux continent de retrouver sa place dans l’Histoire.

Tout d’abord, l’auteur attache une grande importance aux référendums populaires. Redonner la parole aux peuples du Vieux Continent face aux oligarchies. C’est ainsi que de nombreux projets sociétaux ont pu être bloqués non seulement aux Etats-Unis mais également en Europe, notamment en Suisse, pays dont nous ferions bien de nous inspirer pour sa « démocratie directe ».

La restauration de l’indépendance économique et financière de notre continent passe quant à elle non seulement par des réformes fiscales devant créer un climat favorable à l’innovation et au patrimonialisme mais aussi par un partenariat renforcé avec la Russie. L’exact opposé de la politique actuellement pratiquée. L’auteur propose ainsi de compléter le projet eurasiatique piloté par la Russie en faisant de la France, l’Allemagne et leurs alliés proches la branche ouest de l’Eurasie. Un axe Paris, Berlin, Moscou qui incarnerait la grande Europe des nations de Brest à Vladivostok.

Mais avant toute chose, il importe au Vieux continent de renouer avec le sens du Sacré en retrouvant ses racines helléno-chrétiennes et en tournant définitivement le dos à la société marchande, utilitariste et matérialiste. Dans le cas contraire, comme le rappelle Yvan Blot, « de grands dangers vont s’affirmer : chute démographique, effondrement de l’esprit patriotique et de défense. » Pour cela, le religieux doit retrouver la place qui lui revient, place qu’il occupa dès l’apparition des sociétés indo-européennes comme le révèle les études de Georges Dumézil sur la trifonctionnalité.

C’est toujours en suivant ce schéma propre à Dumézil et qui nous replonge dans la mémoire la plus profonde de notre civilisation que l’auteur évoque le rôle majeur qu’est censé représenter l’armée. Non seulement « fonction guerrière » mais aussi école des cadres de demain. A cet égard, l’auteur insiste là encore sur le rôle exemplaire de la Suisse, l’une des sociétés les plus militarisées d’Europe. « La Suisse veut former des citoyens patriotes qui ont l’esprit de communauté, nécessaire à la cohésion sociale. On apprend à l’école l’histoire, la géographie et l’enseignement civique car l’école suisse a trois missions : instruire, éduquer et “socialiser”. On veut des citoyens éclairés mais aussi enracinés. »

Comme nous pouvons le constater, face à cette double colonisation, par le haut (USA) et par le bas (immigration venue du sud), les jours du Vieux Continent sont comptés. Qui plus est, l’arrêt de cette deuxième colonisation ne sera rendue possible qu’après avoir brisé la colonisation mentale par le haut qui, pour l’heure, nous interdit de réagir et de nous défendre. Pourtant, à travers les exemples suisses et russes, Yvan Blot nous démontre que rien n’est inéluctable et qu’un redressement est encore possible. Mais il nous appartient de faire les choix qui s’imposent sans oublier qui nous sommes et d’où nous venons.

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