Le Dernier Vice-roi des Indes (Bande-annonce)

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Bien des écueils attendaient Gurinder Chadha au moment de réaliser Le Dernier Vice-roi des Indes.

Le film, en effet, ne se contente pas d’évoquer l’émancipation, en 1947, du peuple indien après trois siècles d’occupation étrangère, mais s’attarde longuement sur le rôle joué par Lord Mountbatten afin de préparer au mieux le départ des Anglais, dans un contexte où les tensions interconfessionnelles ne pouvaient qu’aboutir à la partition du pays.

Avec la création du Pakistan par les Britanniques, réclamé par les leaders musulmans, ce sont près de 14 millions d’individus – toutes confessions confondues – qui durent migrer de part et d’autre du territoire pour éviter le conflit religieux. Soit le plus grand mouvement de populations qu’ait connu l’humanité.

Petit-fils de la reine d’Angleterre, Lord Mountbatten nous est dépeint dans le film comme un militaire, un pragmatique peu rodé aux manigances de la politique qui se retrouve, la mort dans l’âme et consciencieusement, à décider du sort d’un peuple dont il ne maîtrise ni la géographie ni la sociologie ni même, simplement, la culture…

Avec amertume, le dernier vice-roi des Indes, comme le désigne le titre du film, prendra conscience au fil du récit d’avoir été manipulé en suivant à son insu une feuille de route élaborée deux ans auparavant par Winston Churchill qui, par intérêt géopolitique opposant l’Angleterre à l’Union soviétique, avait déjà prévu la partition du pays et le tracé des frontières nouvelles.

Pour le rôle-titre du film, on s’amuse de retrouver l’acteur Hugh Bonneville qui, après son rôle remarqué de Lord Grantham durant les six saisons de Downton Abbey, se voit définitivement adoubé aux yeux des Anglais dans son aura aristocratique.

La comparaison avec le feuilleton britannique ne s’arrête pas là, le film suivant un schéma similaire consistant à dépeindre les répercussions des événements sur la noblesse et les élites (anglaises comme indiennes), ainsi que sur les domestiques du palais de Delhi qui symbolisent à eux seuls l’ensemble du peuple majoritaire, fracturé entre musulmans, sikhs, et hindous.

Ce choix de s’attarder sur les domestiques permet à la réalisatrice de décrire l’impact, sur les petites gens, de la partition du pays décidée par les élites, de donner chair à son propos. Et quoi de mieux, pour ce faire, qu’une histoire d’amour entre deux jeunes Indiens de confessions différentes ?
 Le procédé est facile, mais l’imbrication de la petite histoire dans la grande est désormais un classique du cinéma et ne manque pas d’efficacité.

D’aucuns reprocheront au film d’être trop explicatif – il permet, en effet, d’aborder la position de tous les grands leaders indiens (Gandhi, Jinnah et Nehru) au regard des événements – mais Gurinder Chadha se montre suffisamment pédagogue et synthétique pour rendre le tout comestible.

Chez elle, la partition du territoire est analysée comme un déchirement, comme la conséquence de tensions communautaires dont elle impute, avec une mauvaise foi certaine, la responsabilité aux seuls Britanniques qui n’auraient cessé, au fil des siècles, de monter les uns contre les autres. On l’a bien compris tout au long du récit, la position de la réalisatrice est celle du bien naïf Gandhi qui, refusant la création du Pakistan, souhaitait le maintien, même artificiel, de l’unité indienne, avec toutes les violences que celle-ci impliquait. Gurinder Chadha n’a pas de mots assez durs dans une interview pour condamner « les conséquences logiques de la politique de la haine et de la division ». « Ce n’est pas ça », dit-elle, « l’avenir de l’humanité ».

C’est oublier bien vite, en l’occurrence, que la politique n’a fait que suivre les aspirations naturelles des hommes…

 

 

 

Pierre Marcellesi – Boulevard Voltaire

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