Azoulay aussi veut faire censurer le documentaire Salafistes!

Non, rien de rien, décidément ils ne comprennent rien. La réalité dépasse toujours à grande vitesse les enquêtes et les éditoriaux que nous ne cessons de consacrer au déni des faits, à la politique de l’autruche, au refus d’oser regarder l’ennemi en face dans son idéologie meurtrière. Les réalisateurs de l’extraordinaire document “Salafistes”, tourné au nord-Mali, en Mauritanie et en Tunisie, croyaient pourtant en avoir fini avec le harcèlement qui avait honteusement interdit leur film aux moins de 18 ans. Cette décision de l’ex-ministre de la Culture Fleur Pellerin avait été annulée le 13 juillet – enfin ! – par la justice. On était, coïncidence, à la veille du massacre de Nice. Or la nouvelle culturiste en poste, Audrey Azoulay, réenclenche le processus de censure : le ministère a annoncé ce jeudi 21 juillet faire appel du jugement.

“Une stratégie de la dissimulation”

Audrey se fend des mêmes propos que Fleur : elle se drape à son tour coquettement dans une ample pelerine de tartufferie en dénonçant “des propos et des images extrêmement violents et intolérants susceptibles de heurter le public”. Autrement dit, enquêter sur le discours des assassins équivaut à commettre un assassinat. Le tribunal, au contraire, a été clair en demandant la levée de l’interdiction. Citons un extrait des attendus : ce film “permet au public, du fait même de sa conception d’ensemble et du réalisme de certaines scènes, de réfléchir et de prendre le recul nécessaire face à la violence des images ou des propos présentés”. C’est exactement ce que Marianne avait écrit après avoir visionné le film, en décembre 2015. Donner à voir les djihadistes du nord-Mali – filmés en 2012 à Gao et Tombouctou avant l’intervention française – comme les imams mauritaniens en pleine argumentation salafiste, est-ce donc un mal pire que le mal qui les amène à nous tuer ? Vouloir saisir (au péril de sa vie car, en l’occurrence Lemine Ould Salem a pris des risques gigantesques au Mali) les mécanismes de l’imprégnation totalitaire, est-ce interdit ? Pourtant, comme Rosenberg, théoricien du nazisme, et Goebbels, chef de la propagande hitlérienne, l’homme qui haranguait les foules d’incendiaires durant la nuit de cristal, du 9 au 10 novembre 1938, les maitres du salafisme possèdent leur terrible logique, laquelle ne sera pas résolue par quelques câlins de sociologues, gâteries de travailleurs sociaux ou antidépresseurs distribués par de gentils psys.

Une censure jamais vue “depuis la guerre d’Algérie”

Croyant l’affaire close, François Margolin, dans les colonnes de Marianne, cette semaine, revenait sur une interdiction qui voulait liquider le film : “Notre enquête, accusée de tous les maux, donnait à entendre des propos réels. Hélas, face au drame, intellectuels, médias, gouvernement semblent adopter une stratégie de la dissimulation. C’étaient les pires ennemis de notre document. Or il y a un décalage terrible entre une opinion qui veut savoir et ceux qui ne veulent pas dire. Notre film était interdit à la télévision française mais il a été diffusé récemment à la télévision tunisienne, après la rupture du jeûne, en plein ramadan !” Aujourd’hui, sonné par la procédure en appel que lance le ministère de la Culture, le réalisateur martèle : “On est dans un cas de censure absolu, qui n’a pas existé en France depuis la guerre d’Algérie. Je suis scandalisé”. Son avocat, Me Patrick Klugman, dénonce “une faute grave, dans le contexte de l’attentat de Nice, qui dénote une incompréhension totale de ce qu’est le rôle de la création et de l’information dans la lutte contre un fléau tel que le terrorisme salafiste”.

Rappelons que l’acharnement, en janvier, a été le fait du gouvernement mais aussi de la droite puisque l’éditorialiste du Figaro s’était alors fendu d’une ahurissante diatribe contre les réalisateurs du film.

Non, rien de rien, même après Nice, ils n’ont rien compris. Tétanisés, ils se refusent toujours à combattre ces monstres qu’a enfanté le sommeil de la raison. Leur grand sommeil.

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