L’Europe est un corps fait de beaucoup d’esprit. Telle est la conviction d’Antoine Guggenheim, directeur du pôle de recherche des Bernardins, qui vient de publier ce qu’on pourrait appeler un manifeste pour une Europe revivifiée. « L’Europe est fatiguée, disait le Pape François en rendant visite à la communauté Sant’Egidio le 15 juin dernier, nous devons l’aider à se renouveler, à retrouver ses racines. »
L’ouvrage Penser l’Europe. Une ressource pour l’humanité dans la globalisation invite à la réflexion et à l’action. Fruit de plusieurs années de séminaires et de colloques sur la question européenne, cet opus s’inscrit dans la collection « Perspectives et Propositions » du Collège des Bernardins (Editions Parole et Silence) dont l’enjeu est d’offrir aux acteurs de la société des clés de compréhension et des pistes concrètes de réalisation, pour une société plus respectueuse de l’homme.
Quelle représentation nous faisons-nous de l’Europe ? L’Europe est un corps fait de beaucoup d’esprit. Pour répondre à la crise de l’Europe, il faut bien sûr améliorer son pilotage politique, développer ses capacités de croissance durable, mais surtout reconnaître son esprit et conforter son projet.
Ou bien il existe quelque chose comme une idée européenne qui peut servir de point de repère pour nous orienter, ou bien le concept de crise ne peut rendre compte de notre situation. Une régulation purement technique de la crise présente ne maintiendra pas l’unité de vie d’une Europe fantôme. L’Europe est un projet historique que l’on reconnaît et que l’on bâtit. Pour comprendre et surmonter la crise de l’Europe, je me place dans la perspective de l’histoire des peuples et des cultures qui est une ressource pour le présent et l’avenir.Se comprendre européen est-il plus difficile aujourd’hui qu’il y a cent ans, comme on le dit parfois ? L’histoire politique, économique et culturelle du monde depuis cent ans a expulsé les Européens d’une vision impérialiste de leur place dans le monde, dans laquelle ils perdaient en quelque sorte leur esprit et leur âme. Ce qui semble à certains une perte d’identité n’est peut-être que la chute d’un faux self, comme disent les psychanalystes. L’Europe des nationalismes, de l’antisémitisme, du colonialisme s’était faite un masque de fer par sa suprématie industrielle. Aujourd’hui l’identité européenne, celle de la mémoire longue des peuples et des individus, négligée des technocrates, est plus dynamique, plus métissée, peut-être plus morcelée, qu’il y a cent ans. N’est-ce pas ainsi qu’elle redevient européenne, c’est-à-dire en mutation perpétuelle, sous le double effet de sa racine grecque et de sa greffe biblique ?La globalisation ouvre des failles de violence et de précarité qui inquiètent les peuples. Elle fragilise les élites, désarçonnées par l’ébranlement des repères de leur pratique. Écervelées par le système médiatique, elles peinent à reconnaître les ressources du passé et les ressorts de l’avenir. D’autant que les figures de l’autorité et le lien de transmission entre les générations est transformé par la mutation numérique. Plutôt que de se décourager devant ces déséquilibres, il faut chercher quelle orientation nouvelle doit être donnée à l’Europe et faire de ce moment une chance pour la construction européenne.Les sociétés modernes, que l’on peut qualifier de post-traditionnelles, ne peuvent tenir leur promesse de progrès, de justice et d’harmonie que par une mobilité permanente. La mutation technologique, la réforme économique, la démocratisation politique doivent s’accompagner d’un approfondissement éthique, culturel et spirituel. C’est pourquoi l’histoire de l’Europe s’accompagne de la recherche d’un nouvel humanisme pour chaque époque. Le monde globalisé ouvre des chemins nouveaux à la rencontre des états et des peuples, et les conduit à prendre leur part de responsabilité dans le destin collectif de l’humanité. En Chine, en Europe, en Amérique, en Afrique, chacun comprend qu’il n’apportera pas à lui seul la lumière dont tous ont besoin. Les clés de l’avenir de l’humanité se forgeront à partir de différents héritages et de la capacité d’innovation qu’ils nourrissent. La rencontre des grandes expériences politiques, économiques et spirituelles de l’humanité donne accès à une réalité qui rassemble les peuples de l’intérieur de leurs différences dans un échange de dons. »Antoine Guggenheim,
Penser l’Europe. Une ressource pour l’humanité dans la globalisation,
Parole et Silence, 2014,
Collection « Perspectives et Propositions », Collège des Bernardins.
80 pages, 8 €
Quelle représentation nous faisons-nous de l’Europe ? L’Europe est un corps fait de beaucoup d’esprit. Pour répondre à la crise de l’Europe, il faut bien sûr améliorer son pilotage politique, développer ses capacités de croissance durable, mais surtout reconnaître son esprit et conforter son projet.
Ou bien il existe quelque chose comme une idée européenne qui peut servir de point de repère pour nous orienter, ou bien le concept de crise ne peut rendre compte de notre situation. Une régulation purement technique de la crise présente ne maintiendra pas l’unité de vie d’une Europe fantôme. L’Europe est un projet historique que l’on reconnaît et que l’on bâtit. Pour comprendre et surmonter la crise de l’Europe, je me place dans la perspective de l’histoire des peuples et des cultures qui est une ressource pour le présent et l’avenir.Se comprendre européen est-il plus difficile aujourd’hui qu’il y a cent ans, comme on le dit parfois ? L’histoire politique, économique et culturelle du monde depuis cent ans a expulsé les Européens d’une vision impérialiste de leur place dans le monde, dans laquelle ils perdaient en quelque sorte leur esprit et leur âme. Ce qui semble à certains une perte d’identité n’est peut-être que la chute d’un faux self, comme disent les psychanalystes. L’Europe des nationalismes, de l’antisémitisme, du colonialisme s’était faite un masque de fer par sa suprématie industrielle. Aujourd’hui l’identité européenne, celle de la mémoire longue des peuples et des individus, négligée des technocrates, est plus dynamique, plus métissée, peut-être plus morcelée, qu’il y a cent ans. N’est-ce pas ainsi qu’elle redevient européenne, c’est-à-dire en mutation perpétuelle, sous le double effet de sa racine grecque et de sa greffe biblique ?La globalisation ouvre des failles de violence et de précarité qui inquiètent les peuples. Elle fragilise les élites, désarçonnées par l’ébranlement des repères de leur pratique. Écervelées par le système médiatique, elles peinent à reconnaître les ressources du passé et les ressorts de l’avenir. D’autant que les figures de l’autorité et le lien de transmission entre les générations est transformé par la mutation numérique. Plutôt que de se décourager devant ces déséquilibres, il faut chercher quelle orientation nouvelle doit être donnée à l’Europe et faire de ce moment une chance pour la construction européenne.Les sociétés modernes, que l’on peut qualifier de post-traditionnelles, ne peuvent tenir leur promesse de progrès, de justice et d’harmonie que par une mobilité permanente. La mutation technologique, la réforme économique, la démocratisation politique doivent s’accompagner d’un approfondissement éthique, culturel et spirituel. C’est pourquoi l’histoire de l’Europe s’accompagne de la recherche d’un nouvel humanisme pour chaque époque. Le monde globalisé ouvre des chemins nouveaux à la rencontre des états et des peuples, et les conduit à prendre leur part de responsabilité dans le destin collectif de l’humanité. En Chine, en Europe, en Amérique, en Afrique, chacun comprend qu’il n’apportera pas à lui seul la lumière dont tous ont besoin. Les clés de l’avenir de l’humanité se forgeront à partir de différents héritages et de la capacité d’innovation qu’ils nourrissent. La rencontre des grandes expériences politiques, économiques et spirituelles de l’humanité donne accès à une réalité qui rassemble les peuples de l’intérieur de leurs différences dans un échange de dons. »Antoine Guggenheim,
Penser l’Europe. Une ressource pour l’humanité dans la globalisation,
Parole et Silence, 2014,
Collection « Perspectives et Propositions », Collège des Bernardins.
80 pages, 8 €