Sœur Pascalina, née Joséphine Lehnert le 25 août 1894 à Ebersberg, en Bavière, de Georg, un fonctionnaire des postes de religion protestante, et de Marie Dierl, catholique, a vite eu le désir de devenir religieuse mais son père, fortement opposé à cette idée, s’acharnait à entraver sa vocation, n’hésitant parfois pas à utiliser des méthodes plutôt brusques pour l’en dissuader.
Joséphine était néanmoins une jeune fille obstinée et sa détermination qui sera une constante de son fort tempérament, lui permettra, dès la fin des classes et son diplôme en mains, d’intégrer, à l’âge de 19 ans, l’Ordre des Sœurs Maitresses de la Sainte-Croix de Menzingen à Altötting, passant de longues années de sa vie à l’abbaye de Einsledeln, au milieu des montagnes suisses.
C’est en ce lieu précisément que Mgr Eugenio Pacelli, a rencontré pour la première fois sœur Pascalina, en 1912. Le futur pape avait eu un accident de voiture dont il était sorti indemne mais sa santé en avait ressenti de tels effets, que son médecin lui avait conseillé de prendre quelques mois de repos. Le jeune nonce était donc parti pour la Suisse et, hébergé à l’abbaye d’Einsledeln, avait fait la connaissance de la religieuse. A partir de ce moment-là celle-ci prendra soin de lui avec affection, jusqu’à le suivre ensuite dans ses fonctions diplomatiques, à Berlin, Munich, et au Vatican.
Celle-ci entra en effet à son service comme gouvernante le 21 avril 1917. Mgr Pacelli venait tout juste d’avoir été nommé nonce apostolique par Benoît XV et envoyé à Munich, après la mort subite de Mgr Giuseppe Aversa, pour conclure le concordat avec la Bavière. Le dévouement de la religieuse pour le nonce était absolu, total, si bien que celui-ci avait une confiance totale en elle.
Une petite anecdote suffit pour se faire une idée de ces liens spirituels et affectifs très profonds qui s’étaient instaurés entre les deux dès le premier instant : Le 19 avril 1919, au beau milieu de la révolte spartakiste, Mgr Pacelli est agressé par de violents révolutionnaires russes qui font irruption dans la nonciature de Munich et le menacent, pointant un revolver contre sa tempe. Sœur Pascalina, sans y penser deux fois, s’est alors interposée, parlant et conseillant doucement à leur chef, Fritz Siedl, de ne pas tirer. Ce dernier a alors baissé son arme et ordonné la retraite de ses partisans.
Lorsque le 12 mars 1939 Eugenio Pacelli est élu pape sous le nom de Pie XII, après la mort subite du pape Pie XI, l’énergique religieuse bavaroise assume un rôle influent à l’intérieur des « saints palais », et veille de manière si rigoureuse à la vie privée du pape que tous finissent par la craindre.
C’est à elle que le pape, quelques mois plus tard, alors que fait rage la guerre lancée par Hitler sur le continent européen, et qu’ont lieu les premières terribles persécutions contre les juifs, confiera la délicate mission de communiquer aux divers couvents de la capitale, y compris les couvents de sœurs cloitrées, son désir d’ouvrir leurs portes à ceux dont la vie était en péril, de leur offrir assistance et hospitalité, et ainsi éviter à ces derniers d’être déportés dans un camps d’extermination , surtout après la terrible rafle du ghetto juif de Rome par les nazis, le 16 octobre 1943.
Même si certains détails fictifs ont été insérés dans le film, dans son ensemble le récit de ces événements apparaît plutôt vraisemblable, surtout lorsqu’est souligné la vraie signification de ce « silence actif » de Pie XII, interprété par certains historiens comme une forme de passivité ou d’indifférence face au génocide perpétré par les nazis sous ses propres yeux, pour se tenir au-dessus de la mêlée, ne se préoccupant que de préserver cyniquement les intérêts catholiques , par pur intérêt diplomatique.
Au contraire, comme il est montré à la fin du film, selon un témoignage de sœur Pascalina, durant les années brûlantes de la seconde guerre mondiale et de l’ignoble persécution nazie des juifs, dès que le pape eut appris des journaux les détails de la violente réaction d’Hitler après la dure prise de position des évêques hollandais, exprimée dans la célèbre lettre pastorale condamnant « l’impitoyable et injuste traitement réservé aux juifs » qui, sur conseils de l’archevêque d’Utrecht Mgr Johannes de Jong, avait été lue dans toutes les églises le 26 juillet 1942, il est devenu « aussi pâle qu’un mort ».
Pie XII, après l’audience, s’est alors rendu dans la salle à manger et a brulé deux grandes feuilles de papier qu’il avait écrites, s’exclamant : « Je veux bruler ces papiers. Ce sont des protestations contre l’épouvantable persécution des juifs. Le soir, ceux-ci auraient du être diffusés. Mais si la lettre des évêques néerlandais a coûté la vie à 40.000 personnes, la mienne risque de coûter la vie à 200.000 personnes. Il vaut donc mieux ne pas parler par voie officielle et faire en silence, comme je l’ai fait jusqu’à présent, tout ce qui est humainement possible pour ces gens » (Pascalina Lehnert, Pie XII: le privilège de le servir, Milan 1984, pp. 148-149).
Il paraît toutefois invraisemblable – comme relaté dans le film – que le pape ait remis à une sœur la lettre de démissions qu’il avait préparée au cas où il aurait fini dans les mains d’Hitler. D’autres passages du film, plus romancés, ne reflètent pas tout à fait la réalité, comme à la fin, où l’on voit la sœur bavaroise en train de discuter avec le pape Pie XII, qui est sur le point de mourir, et qui se serait demandé si le sens de ses « silences » auraient un jour été compris, alors qu’en réalité c’est au nonce apostolique à Istanbul, Mgr Roncalli, futur pape Jean XXIII, que Pie XII, en octobre 1941, a demandé avec angoisse « si le silence relatif au à la conduite du nazisme n’aurait pas été mal jugé ».
Tout compte fait, on peut en conclure que, malgré quelque petit lapsus, ce film a eu au moins le mérite de reproposer à l’attention du grand public un événement historique qui, au lieu de privilégier une reconstruction plus désenchantée et sans préjugés, a donné jadis parfois prétexte à d’aspres invectives politiques et idéologiques, à des encensements ou exaltations sans raisons.