Dans la Démesure, Céline Raphaël raconte ce père cadre sup puis PDG, notable respecté qui, rentrant le soir à la maison, lui demandait de baisser son pantalon et sa culotte, de lui tourner le dos, de se pencher en avant, de ne pas crier sous les coups. Il avait choisi pour elle le destin de pianiste prodige. Premières gammes à 2 ans, quatre heures de répétition par jour à 4 ans. Jours, soirs, nuits et week-ends attachée au piano dès 6 ans. A chaque fausse note, les coups. Elle a oublié les morceaux, se souvient des tortures. Se revoit marchant à quatre pattes, implorant son pardon, pleurant tandis qu’il la traîne de pièce en pièce par les cheveux, avalant sous ses ordres des détritus à même le sol. Elle se rappelle sa mère qui se lève et qui dit : «Je ne veux pas voir ça.»
Elle craint chaque week-end pour sa vie, travaille, travaille encore, pour briller et jouer les artistes prodiges tout en gardant le secret sur l’horreur de l’intimité de sa vie familiale. Et le silence autour. Assourdissant. Comment suspecter l’horreur de la servitude sous les atours de l’excellence. L’exigence absolue de la perfection qui devient justification de tous les excès […] et qui mystifie l’entourage d’autant plus facilement que cette esclave n’est pas affectée à une tâche de souillon mais à une production artistique réservée aux élites. Daniel Rousseau, pédopsychiatre.
Un récit plein de dignité. Il éclaire les mécanismes de la violence familiale et l’obsession des parents à fabriquer des petits génies. Marie Huret, Marianne.
Aspirant à mener un combat universel contre la maltraitance des enfants, Céline Raphaël part à la guerre sans pathos ni hystérie. Ondine Millot, Libération.