Inconnue au bataillon militaire, l’ex-directrice générale de SNCF Voyageurs n’avait jusque-là jamais manifesté d’intérêt particulier pour le monde de la défense. Les rumeurs qui circulaient à propos du remplaçant de Sylvie Goulard désignaient Jean-Pierre Raffarin ou Arnaud Danjean, tous deux connus pour cultiver un certain goût pour la chose militaire.
Si l’expertise stratégique n’a pas toujours été un préalable à l’obtention du poste, le portefeuille de la Défense a souvent échu à des “hauts gradés” politiques, comme Hervé Morin nommé en 2007 en tant que patron du Nouveau Centre qui avait soutenu Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle. En 2012, Jean-Yves Le Drian, membre de la Commission de la Défense, s’était imposé grâce à ses réseaux militaires bretons.
Florence Parly ne coche aucune de ses cases. Ni connaissance du sujet, ni poids politique justifiant cette nomination à un ministère régalien au moment où la France est engagée sur plusieurs théâtres d’opération.
Un choix d’autant plus étonnant que le chef de l’État nous avait habitués à des nominations techniques: une éditrice reconnue à la culture, une agrégée de Droit à la Justice, une biochimiste à la Recherche… Niveaux compétences, la nouvelle ministre des Armées est davantage réputée pour ses talents de gestionnaire que pour son appétence pour la chose militaire. Ce qui fait dire au député LR François Cornut-Gentille, cité par Reuters: “c’est Bercy qui pilote désormais le ministère de la Défense”.
“Femme de gestion”
Une explication, le porte-parole du gouvernement a tenté d’en apporter une à l’issue du premier Conseil des ministres du gouvernement Philippe II ce jeudi 22 juin. “Elle a une carrière qui montre sa capacité à manager, à transformer”, a déclaré Christophe Castaner, insistant sur le fait qu’il n’y avait pas besoin “d’être militaire” pour occuper le poste. “C’est une femme de gestion qui a fait ses preuves”, a-t-il encore souligné. Gestion? C’est en creux le rôle de “techno” que lui attribue ce jour Le Monde, expliquant que l’ancienne secrétaire d’État au Budget est surtout attendue sur sa capacité à rationaliser la répartition des dépenses de la Grande Muette afin d’arriver à l’objectif des 2% du PIB consacrés à la défense d’ici la fin du quinquennat.
Une vision des choses qui fait bondir Paul Quilès. L’ex-ministre de la Défense socialiste, qui a travaillé avec elle du temps où il était à l’Équipement, au Logement, puis à l’Intérieur, trouve “extraordinaires” et “ridicules” les réserves qui sont exprimées à l’égard de Florence Parly. “Les gens commentent alors qu’elle n’est pas même pas entrée en fonction”, déplore-t-il, louant les qualités de “serviteur de l’État” de la nouvelle ministre des Armées. “Comme si elle n’avait fait que du budget toute sa vie”, s’étrangle-t-il encore auprès du HuffPost. Manière de rappeler que la ministre a plus d’une corde à son arc.
Paul Quilès, qui a occupé le poste entre 1985 et 1986, dit avoir “confiance” envers son ancienne conseillère, et laisse entendre qu’il a pu lui prodiguer quelques tuyaux. Lesquels? “De toujours avoir en tête que c’est le civil qui décide, de ne pas se laisser bouffer par les agendas et de s’entourer de conseillers de confiance”, détaille-t-il.