Extrait du prochain livre de Laurent Gbagbo: Pour la vérité et la justice…

ChIrac a besoin d’argent. C’était en 2001, je pense. Villepin et Robert Bourgi m’ont demandé de cracher au bassinet pour l’élection de 2002 en France. Nous étions au Voltaire, un restaurant qui est sur le quai du même nom, près de la documentation française (près du domicile privé de Jacques Chirac, ndlr). C’était le prix pour avoir la paix. j’ai eu une entrevue avec Chirac, tout s’est très bien passé, il m’a raccompagné, il était très amical et il m’a dit en me tapant sur l’épaule, sur le perron : “je ne suis pas un ingrat. » je ne suis pas fier de cet épisode mais je pensais y gagner la marge de manœuvre nécessaire pour avancer vers nos objectifs. On me l’a reproché en disant que c’était la preuve de mon double langage, que je m’appuyais sur le néocolonialisme pour le critiquer. Comme si on pouvait toujours répondre à des partenaires aussi puissants, sans employer la ruse et la diplomatie. on m’a mis dès le début en situation de crise et d’urgences permanentes. Au moins, ils ne sont jamais revenus à la charge. je n’aurais pas accepté. Ils le savaient. Cela n’a pas amélioré nos relations. Plus tard, Chirac a dit que je l’avais « manqué… » Les 18 et 19 septembre 2002, j’étais en voyage officiel à Rome. À peine arrivé, qui je vois à l’hôtel ? Robert Bourgi. Bien sûr, j’ai trouvé la coïncidence curieuse et, pour tout dire, ça ne pouvait pas en être une. nous avons dîné ensemble (…) Je suis rentré à l’hôtel. Vers 3 ou 4 heures du matin-il était 2 h à Abidjan- j’ai été informé par un coup de fil de l’attaque militaire massive déclenchée dans tout le pays. je décide de rentrer immédiatement. Robert Bourgi apparaît en ce moment et insiste : « passe à Paris voir ton grand-frère (Chirac). » sur le moment, j’ai pensé à tous ces chefs d’État, en Afrique, qui étaient partis en voyage et n’avaient jamais pu rentrer (…) je ne suis pas allé à Paris voir Chirac. je suis rentré à Abidjan.
Laurent_Gbagbo_3

Pour qui se prend Villepin ?

Je suis arrivé le jeudi 23 janvier 2003 par un vol régulier d’Air France : je craignais qu’on tire sur mon avion présidentiel. Tout est toujours possible. Je devais voir Chirac le lendemain à 16h à l’Élysée. Le matin de ce fameux vendredi, on m’a glissé sous la porte de ma chambre à l’hôtel Meurice, le texte des accords de Marcoussis. Bongo était descendu dans le même hôtel pour me travailler au corps. c’était un ami de Ouattara, et le plus fidèle allié de la France depuis la disparition d’Houphouët. À 11h, je suis parti pour l’Élysée, le monde était déjà paru. je l’ai lu dans la voiture, j’ai découvert qu’ils y donnaient déjà, en page 2, le nom du futur premier ministre, une proche de Ouattara, membre de son parti, le RDR, Henriette Diabaté. Quand nous avons été ensemble, Chirac, Galouzeau et moi, Chirac me dit qu’il tient à ce que Henriette Diabaté soit premier ministre. Merci, je l’avais déjà lu dans le journal ! c’est exactement ça, la Françafrique. j’ai refusé de signer (…) Villepin m’a ainsi clairement signifié le peu de respect qu’il avait pour moi et pour ma fonction. Villepin, Soro et Ouattara ont repris en choeur la rengaine Henriette Diabaté. On aurait dit une chorale qui avait répété ensemble son concert. J’avais dit à Villepin: « Vous n’écoutez donc même pas votre président ? » Il semblait se prendre un peu pour Jacques Foccart, un peu pour Jacques Chirac, et je me demande s’il ne se croyait pas supérieur se prenant pour Dominique De Villepin.

Une bavure française

À propos du bombardement par l’aviation ivoirienne d’une base militaire français à Bouaké en novembre 2004 qui avait fait neuf morts. La sécurité militaire ne lâchait pas les pilotes d’une semelle, ni le jour ni la nuit. Elle savait combien de bière ils buvaient, où ils sortaient, à quelle heure et avec quelles filles ils rentraient. Des militaires français les côtoyaient, dans les boites de nuit, dans les « maquis » d’Abidjan. Les deux pilotes avaient été filmés et photographiés par les français au retour de leur mission de bombarde (…) Le ministre de l’intérieur du Togo, François Boko, les fait arrêter. Il les garde dix jours. Il appelle l’ambassade de France, le ministère des affaires étrangères à Paris, le ministère de la justice, pour dire : « nous les tenons à votre disposition. » Le président Éyadema, qui était très servile vis-à-vis de la France parce qu’il avait besoin de son aide, et de celle de l’Europe, était prêt à tout pour faire plaisir à Chirac. Eh bien ! La France n’en a pas voulu !…Cela prouve bien qu’il s’agit d’une bavure française, et non d’une bavure ivoirienne. Mon explication, c’est qu’il y avait une filière parallèle.

Hollande, le lâcheur, et Sarkozy, l’arrogant

François Hollande, il venait me voir à mon hôtel chaque fois que j’étais à Paris. je n’en ai jamais rien attendu, et je n’en attends rien. Les avocats de Ouattara ici, à La Haye, sont ses amis intimes, jean-Paul Benoît et jean-Pierre Mignard. Ouattara ne les a certainement pas choisis au hasard. Il sait ce que lobbying veut dire… Les socialistes français ont un complexe… ils veulent faire croire qu’ils gouvernent comme la droite. Au début des années 2000, Villepin les a tous manipulés, en leur disant le monstre que j’étais… Ils ont eu peur d’être éclaboussés, ils m’ont lâché (…). Sarkozy, c’est autre chose. je l’ai rencontré pour la première fois à New York, à l’ONU en 2007. C’est Robert Bourgi qui m’avait suggéré de faire le déplacement, pour voir le nouveau président, après tous les problèmes que j’avais eus avec Chirac. Je n’avais donc aucun à priori négatif. Il a quitté l’ère réservée aux cinq membres du conseil de sécurité dès qu’il m’a vu, et il est venu me serrer la main. « Président, ces élections, vous les faites quand ? (…) La discussion s’est arrêtés là. chez lui, à la place des idées, il y a l’arrogance.

En savoir davantage sur Laurent Gbagbo.

Source

Related Articles