David Thomson, journaliste et auteur d’un livre sur le sujet, explique les conditions dans lesquelles ces jeunes filles, âgées de 14 à 30 ans, partent en Syrie, et leur rôle, une fois sur place.
Combien y a-t-il de Françaises parties faire le djihad en Syrie selon vous?
On est sur une fourchette de 100-150 femmes et enfants, aux côtés de 300 combattants français installés en Syrie. C’est un chiffre qui se stabilise ces derniers mois avec les départs et les décès.
Dans quelles conditions partent-elles?
Il est important de savoir qu’elles ne peuvent partir qu’à travers le mariage. Trois scénarios sont possibles. D’abord, il y a celles qui obtiennent une promesse de mariage d’un djihadiste français qui est déjà sur place. La plupart du temps, ça se fait sur Skype ou via les réseaux sociaux. Elles partent seules mais retrouvent leur mari sur place. Une fois qu’elles sont arrivées, leurs futurs époux appellent la famille restée en France et demandent l’autorisation de mariage au père. Si ce dernier refuse, les djihadistes contestent sa légitimité de tuteur, qui devient un mécréant à leurs yeux. Ensuite, il y a les femmes déjà mariées avec un djihadiste qui partent avec les enfants en Syrie. Et puis il y a celles qui se marient sur le sol français dans le but de partir en Syrie.
Comment sont-elles recrutées?
Essentiellement via les réseaux sociaux, notamment Facebook, ou via Skype. Là, elles s’échangent des textes religieux, des vidéos, se donnent des conseils et s’encouragent mutuellement à partir. Les femmes installées en Syrie vont avoir un rôle d’entremetteuse, de facilitatrice entre celles qui sont en France et les djihadistes sur place. Sur Facebook, elles vont poster des petites annonces de promesses de mariage. Il faut savoir que les djihadistes français installés là-bas ne sont pas en contact avec les Syriennes et ne parlent pas arabe. C’est pour ça qu’ils font venir des femmes de France pour constituer une communauté française en Syrie.
Une enquête a été ouverte après la disparition d’une jeune fille de 14 ans à Argenteuil, soupçonnée d’être partie en Syrie. Comment expliquez-vous qu’une adolescente ait envie de partir au djihad?
Ce sont des cas minoritaires mais très médiatiques. Elles doivent être une quinzaine au total. En général, elles sont bonnes élèves, sans problème, leur entourage n’est pas pratiquant. Et la famille n’est pas du tout consciente de leurs intentions djihadistes. Le pouvoir de la prédication djihadiste sur Facebook est pourtant très important. Il y a un réel effet de fascination face aux textes de grands djihadistes, aux vidéos qui expliquent pourquoi elles doivent absolument partir en Syrie. Une fois là-bas, elles pensent qu’elles pourront bénéficier des faveurs du martyr. Elles croient que leur mari, mort au combat, pourra les faire entrer au paradis.
Que est leur rôle en Syrie, sur le terrain?
Dès leur arrivée, elles suivent un entraînement de trois semaines environ. Là, elles apprennent à manier des armes, du type Kalachnikov, fusil, pistolet, etc. Mais attention, elles ne sont pas destinées à se battre. Elles apprennent seulement à se défendre en cas de situation extrême. Sinon, au quotidien, elles s’occupent de leur mari et de leurs enfants. Elle joue le même rôle qu’elle aurait eu en France. Comme le disent les djihadistes eux-mêmes: «Elles élèvent les futurs lions de l’Islam dans l’amour du djihad».