Outre vous apprendre à mieux connaître l’ineffable secrétaire d’Etat à l’Egalité hommes-femmes, cette interview nous enseigne que Marlène Schiappa ne vient pas de la société civile, comme il nous le fut annoncé, mais qu’elle travaillait dans un cabinet ministériel…
Dans le roman “Marianne est déchaînée” à paraître le 4 mai chez Stock, je raconte une première année de mandat d’une jeune femme “issue de la société civile” qui découvre la vie politique locale et raconte, comme une envoyée spéciale permanente, les coulisses d’une mairie qui pourrait être la vôtre.
1) Le maire est votre homme à tout faire
Dans un chapitre du roman “Marianne est déchaînée”, Marianne part déjeuner avec le maire de Romans et des membres de son cabinet. Quand soudain, le maire part du déjeuner et se dirige vers un rond-point, pour faire… la circulation! En plus de gérer les grands projets, le budget, la vision d’une ville, les maires en sont aussi parfois les hommes à tout faire.
Dans la réalité, le week-end dernier, j’ai participé à un déjeuner avec des écrivains organisé par le maire du Mans qui, estimant que les délais étaient trop serrés, est parti en cuisine et a fait lui-même le service! L’image des sénateurs-maires déconnectés de la réalité ou désireux d’en faire le moins possible, avec des majordomes à leur service, est une image d’Epinal. Le majordome, c’est lui.
2) Être élue et mère, c’est galère
Pardon pour la rime facile, mais dans “Marianne est déchaînée”, l’héroïne mère de deux enfants fait le constat suivant: pour rencontrer les habitant-es, à moins d’aller sur leur lieu de travail, il faut se rendre disponible dans des manifestations publiques les soirs et les week-end. Exactement sur votre temps familial. L’impact sur la vie de famille en général, sur la vie de couple (un chapitre de “Marianne est déchaînée” y est consacré) et sur l’éducation des enfants est énorme. Sur les couples, aussi.
3) Faire de la politique sans parti, c’est possible (mais c’est compliqué)
On nous annonce en France la fin des partis politiques depuis des années. Parallèlement, on n’a jamais eu autant d’implication des partis sous la Vème République qu’actuellement, avec notamment l’organisation de primaires gérées par les partis politiques, alors que la Constitution prévoit déjà pour départager les candidats la règle des 500 parrainages de maires.
Marianne n’est membre d’aucun parti, elle siège au groupe des élus “socialistes et républicains et apparentés” (on ne prononce jamais ”républicains et apparentés”). Mais elle comprend vite que le Parti Socialiste est un appui nécessaire pour échanger avec des militant-es sur leurs valeurs communes, la politique étant une aventure collective.
4) Le protocole, c’est la base
Vous pensez, comme Marianne, pouvoir inviter des élus par mails ou par SMS, signer “bisous” ou “à plus” à des gens qui ont deux places de plus que vous dans l’ordre protocolaire, zapper les cartes de vœux sérigraphiées et privilégier les groupes WhatsApp, vous asseoir à côté de vos potes et pas du Président du conseil départemental pendant les cérémonies officielles? Vous croyez naïvement qu’envoyer un Doodle à compléter remplace avantageusement une convocation en commission égalité, citoyenneté, vie des quartiers, tranquillité participative?
Détrompez-vous. Le monde politique vit en partie sur ce protocole. Dans “Marianne est déchaînée”, le chapitre où Marianne propose de regrouper tous les élus dans un grand open space pour laisser les bureaux aux employés de la mairie démontre bien les réticences au changement de protocole.
5) Personne ne vous obligera à respecter votre programme
Lorsque les citoyen-nes votent pour une liste aux élections municipales, ils ignorent quel élu de la liste sera nommé adjoint au maire et écopera de quelle délégation. Cela mène à une situation étonnante: les élus dressent eux-mêmes leurs feuilles de route, mais APRÈS l’élection. De même, aucun organisme ne contrôle la réalisation des programmes électoraux. Vous pouvez écrire absolument tout ce qui vous chante sur un programme électoral, ce ne sera jamais réellement sanctionné et votre mandat ne sera pas interrompu, même si vous faites l’inverse.
7) L’habit fait le parti
Vous pensez que les apparences ne comptent pas? Détrompez-vous! Dans “Marianne est déchaînée”, les anciens élus estiment longtemps que Marianne est “de droite”. Pourquoi? Comme le dit Stan, le meilleur ami de Marianne, militant socialiste et LGBT: “Si tu veux qu’on comprenne que tu es de gauche, habille-toi moins comme Grace Kelly et plus comme Martine Aubry.”
8) Le sexisme ne vient pas toujours de là où on l’attend…
La première scène du roman “Marianne est déchaînée” est édifiante. Marianne rejoint ses colistiers au local de campagne où le maire va présenter la liste aux journalistes. L’accueil qui lui est réservé par les femmes candidates, à quelques exceptions près, est glacial. Elles voient d’un mauvais œil l’arrivée d’une rivale qui “bouche l’entonnoir” des délégations. En effet, avec la parité, un homme et une femme ne seront jamais rivaux puisque pas sur les mêmes quotas.
Dans Marianne est déchaînée, on constate vite que c’est le maire qui donne le ton d’une équipe municipale et qu’aucune remarque dégradante pour les femmes n’est tolérée dans l’équipe municipale de Romans. Les élus hommes sont, dans ce cas, plutôt un soutien pour la jeune et nouvelle élue. De là à en faire une généralité…?
9) Les procédures administratives ralentissent les politiques publiques
Les élu-es décident des politiques publiques qui doivent être mises en œuvre. Dans une municipalité, les services de la ville en ont la charge. Pour Marianne, au début, leur rôle est flou mais elle passe une soirée à la mairie avec Miguel, le directeur de campagne, qui lui fait voir les services d’un autre œil.
Tout au long de sa première année, Marianne veut recruter un/e chargé/e de mission pour son service. Elle fait elle-même ses tableurs Excel et personne ne semble vouloir l’informer de l’avancée du processus de recrutement de ce chargé de mission. Les courriers de la DRH rythment le livre et l’on comprend vite que si certaines validations et procédures sont des filets de sécurité nécessaires, d’autres frôlent l’abus de technocratie.
10) Il faut tomber pour se relever
Je joue un peu, bien sûr, sur la différence “réalité/fiction” dans Marianne est déchaînée. Mais on ne peut pas dire, si je suis Marianne, que je me donne le beau rôle! J’ai choisi en toute conscience d’y raconter aussi mes maladresses et mes erreurs, parfois même en les caricaturant un peu pour me moquer de moi-même.
Mais mes erreurs de premier mandat m’ont plus appris que mes réussites, et j’espère que “Marianne est déchaînée” pourra susciter des vocations: la politique ne doit plus être réservée à une élite.
Marianne est déchaînée aux éditions Stock.
Marlène Schiappa a aussi participé à Lettres à mon utérus….
Dans la veine des Monologues du Vagin, 16 femmes écrivent des lettres émouvantes, drôles, fortes, militantes… à leur utérus.
La dernière différence entre les hommes et les femmes tient à un organe : l’utérus.
À notre époque, les femmes peuvent faire de la politique, épouser des femmes, détester le ménage, avoir ou non des enfants, présider le FMI ou être championnes de lap-dance. En quelques décennies, la condi tion féminine a plus évolué qu’en plusieurs siècles.
On a toutes des choses à dire à notre utérus !
Notre utérus nous a déçues, blessées, surprises, il nous a envoyées à l’hôpital, il a fait de nous des mères, il a été prélevé. Nous, auteures de ce recueil, avons écrit une lettre à notre ” matrice “, organe si peu étudié alors qu’il régit notre vie quotidienne, règles, ménopause, grossesses, endométriose, vie sexuelle.
Marlène Schiappa, fondatrice du réseau ” Maman travaille “, a réuni dans ce recueil 16 femmes influentes et représentatives de la nouvelle vague féministe :
Cassia Carrigan, Nadia Daam, Octavie Delvaux, Géraldine Durand, Camille Emmanuelle, Sandra Franrenet, Marie Lafragette, Johanna Luyssen, Maïa Mazaurette, Marie Minelli, Olivia Moore, Julia Palombe, Delphine Philbert, Gaëlle Renard, Léa Rivière, Juliette Speranza.
Stéphane Rose (cofondateur de la cérémonie des Gérard, écrivain) préface cet ouvrage collectif avec l’humour grinçant qu’on lui connaît, et Cédric Bruguière, auteur de livres sur l’égalité, le conclut.