À la veille des élections européennes, les agriculteurs paraissent bien partagés sur le sort que leur réserve l’Union européenne. À vrai dire, ils oscillent, en matière de politique agricole européenne, entre remerciements, ressentiments et désabusement.
Oui, l’Europe a apporté, à beaucoup d’entre eux, de quoi faire face à la concurrence étrangère et mondiale dans de nombreux domaines : grandes cultures, aviculture, viande bovine, vin, etc.
Oui, la politique agricole commune (PAC), qui pèse en 2014 près de 40 % du budget européen, a permis de mieux structurer en amont la production. Et cela, grâce aux organisations communes de marché (OCM).
Oui, l’Europe a contribué à atteindre, nolens volens, un niveau d’autosuffisance appréciable dans de nombreux secteurs et de maintenir des niveaux de rémunération acceptables. Les agriculteurs n’oublient pas, non plus, que le système des quotas laitiers (aujourd’hui abandonné) leur a permis de lutter contre la surproduction chronique et de limiter (encore en partie) le gaspillage alimentaire. Ils n’oublient pas, non plus, les luttes acharnées que l’Europe a menées à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), notamment pour refuser le bœuf aux hormones… qui pourrait maintenant revenir par la petite porte avec le traité « TAFTA. ».
Mais les agriculteurs, qu’ils soient du MODEF (communistes), de la Confédération paysanne (socialistes), de la FNSEA (droite modérée) ou de la Coordination rurale (droite traditionnelle), ont aussi compris les limites du système parfois ultralibéral que la Commission européenne leur a imposé, le moindre des paradoxes étant que ce système ne leur permet toujours pas de vivre du fruit de leur travail ! Ce qui serait la moindre des choses. L’Europe ne leur accorde-t-elle pas des aides compensatrices qui constituent encore une part importante de leurs revenus ? Pis, à la faveur d’un élargissement aussi forcé que rapide, la PAC a montré qu’elle était incapable de régler les problèmes de dumping social à l’intérieur même du marché à 28 !
Les agriculteurs fustigent aussi cette PAC qui ne les protège pas contre les méthodes commerciales agressives des industries agroalimentaires et de la grande distribution (marges arrière, référencement, code 9, etc.) et tend à spécialiser chaque pays dans une production particulière. Pourquoi donc la France doit-elle importer des ovins quand elle a la capacité de les produire ? La qualité d’un pré-salé n’est-elle pas meilleure que celle d’un mouton néo-zélandais qui, lui, n’est qu’un sous-produit de la laine ! Il y aurait bien d’autres exemples…
La France, encore deuxième puissance agricole mondiale en 2014, comptait plus de deux millions d’exploitations à la fin des années 50. Au début des années 2000, il n’en restait plus que 600.000. Aujourd’hui, elles se comptent environ 400.000. Combien d’entre elles vivent-elles correctement ?
Alors, « Merci l’Europe ? » Question subsidiaire : avec tout ça, pour qui les agriculteurs vont-ils voter le 25 mai ?