En 1220, après l’incendie du chœur de la vieille cathédrale romane, l’évêque Milon de Nanteuil décide de s’offrir une nouvelle église dans ce nouveau style très lumineux lancé avec la basilique de Saint-Denis. À l’époque, on ne parle pas encore de style gothique ; en effet, le terme naît seulement à la Renaissance pour désigner avec mépris un style barbare, digne des Goths.
L’évêque demande à son architecte de bâtir le sanctuaire le plus élevé de la chrétienté. Les travaux débutent en 1225 par le chevet et le chœur, dont la voûte atteint la hauteur sidérante de 48,50 m. Les premiers offices y sont célébrés vers 1260. Les vêpres sont chantées le 3 octobre 1272. Mais, déjà, l’édifice montre des signes de faiblesse, si bien qu’il faut interrompre les travaux. Un vendredi de novembre 1284, un vent d’enfer se met à souffler sur la ville. Les arcs-boutants se mettent à vaciller, puis entrent en résonance. Quelques-uns se rompent, entraînant l’effondrement d’une partie de la voûte. Néanmoins, on a évité le pire, la charpente est restée en place. On le sait aujourd’hui après qu’une datation des poutres montre qu’elles sont toutes d’origine.
Les réparations s’accompagnent d’un renforcement de l’édifice. Les piliers entourant le chœur sont doublés, le mur septentrional est épaissi. À l’extérieur, les arcs-boutants rebâtis sont liés entre eux par des tirants métalliques pour supprimer tout phénomène de résonance. Ces travaux s’étalent sur un demi-siècle. Puis la grande peste et la guerre de Cent Ans gèlent le chantier durant cent cinquante ans. En 1500, la construction du transept est enfin entamée pour s’achever cinquante ans plus tard. La logique voudrait qu’on poursuive les travaux avec la construction de la nef, mais l’orgueil beauvaisien refait surface. L’Église locale décide de commencer par l’édification de la plus haute flèche du monde. Après six ans de travaux héroïques, la flèche défie le ciel avec une hauteur de 153 mètres. Mais son poids s’avère trop élevé pour les quatre piliers du transept sur lesquels elle repose. Achevée en 1569, elle s’effondre quatre ans plus tard, heureusement sans provoquer trop de dégâts, hormis l’effondrement de la voûte du transept. Pour rebâtir cette dernière, il faut piocher dans l’argent prévu pour l’édification de la nef. Un modeste clocher remplace la flèche. C’est ainsi que la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais reste à ce jour la seule cathédrale sans nef.