En 1973, la loi Royer définissait des critères contenant le développement de la grande distribution. Le code de l’urbanisme devait impérativement être respecté sous peine de voir les projets refusés. Malheureusement ce point n’est plus nécessaire depuis…. 1996.
Cette loi élaborée par le controversé maire de Tours (pour d’autres raisons), instaurait également des critères de mètres-carrés en fonction du nombre d’habitants, pour préserver un équilibre entre la périphérie et le centre-ville et préserver les emplois dans celui-ci. Malheureusement, ce point fut supprimé avec la loi de modernisation de… 2008.
Les commerçants étaient autrefois représentés dans les commissions d’autorisation des centres commerciaux. Ils furent tous remplacés par des politiques.
Les associations environnementales pouvaient autrefois déposer des recours, ce n’est plus possible depuis 2014.
Les surfaces commerciales construites ou agrandies de manière plus ou moins illicite pouvaient être contrôlées. Cela n’est plus le cas depuis mars 2016.
On comprend par ces quelques exemples la lente mais sûre domination des grandes surfaces sur tous les petits commerces, la mort lente des centre-villes et la dégradation des périphéries des cités qui en viennent à toutes se ressembler, avec les mêmes enseignes, les mêmes types de bâtiments, les mêmes panneaux publicitaires.
Le département des Alpes Maritimes n’échappe bien sûr pas à cette dramatique dérive. Nous aurons même très bientôt le privilège de posséder trois des plus grands centres commerciaux de France à 20 km de distance les uns des autres : Cap 3000, Polygone Riviera et le petit dernier Open Sky.
Et pourtant, de l’aveu même d’une responsable d’une enseigne de restauration : « Depuis son ouverture, Polygone Riviera n’a pas encore décollé. Parfois c’est vraiment très, très calme ».
De même chez Nice One dans la plaine du Var. Malgré le déménagement sur le site de Conforama, le centre commercial a du mal et compte pour s’en sortir sur… la construction future d’IKEA !
À Valbonne, c’est le futur projet Open Sky qui inquiète. La ville qui s’oppose à une gare TGV sur la future ligne Aix-Nice, équipée de 3 000 places de parking car elle amènerait un trafic routier indésirable dans une zone déjà plus que congestionnée, projette — en totale contradiction — la construction à quelques hectomètres de là d’un nouveau centre commercial qui aura besoin de 3 000 visiteurs par heure pour être rentable.
Ce projet dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes (Les délires des bétonneurs qui veulent écraser la Valmasque du 10 juin 2016), viendra s’ajouter à l’agrandissement du site de Carrefour Antibes voisin où 25 000m2 supplémentaires sont d’ores et déjà prévus : 52 boutiques, 11 moyennes surfaces, 11 restaurants et 2 500 places de parking.
15,5 ha de forêts seront dévastés et déboisés pour construire à moins d’un kilomètre de là les bureaux et les boutiques d’Open Sky dans le parc de la Valmasque. La CASA (communauté Antibes Sophia Antipolis) justifie ce projet entre autres par le manque de commerces à Valbonne, comme si le centre commercial d’Antibes tout proche n’existait pas !
Pour les bureaux, il existe à Sophia Antipolis 30 000m2 de bureaux non utilisés, inlouables. La raison ? Ils ne sont plus aux normes énergétiques ! Il suffirait donc de les rénover, mais non, la CASA préfère laisser dépérir les locaux actuels et mettre en chantier de nouveaux bâtiments.
La mairie de Valbonne pour arriver à ses fins, passe en force. Un recours administratif est en cours, le commissaire enquêteur n’a pas encore remis son rapport de conclusion, mais les travaux de défrichement peuvent commencer (voir autorisation préfectorale ci-dessous)
Autrement dit : aujourd’hui tout est bon pour le grand commerce au détriment des petites unités. On laisse se développer de tentaculaires installations sans se soucier le moins du monde de savoir combien d’arbres il a fallu abattre pour en arriver là. On laisse mourir les centres-villes, qui, faute de petits commerces, n’intéressent plus que très peu de gens, touristes en mal de photos ou troisième âge peinant à se déplacer. Antibes est la deuxième ville du département et à part le quartier du port, animé par les marins anglophones, la cité historique est désertée dès la fermeture des dernières petites enseignes…
Le pire, c’est que les gens en sont conscients mais participent quand même à ce gâchis irrationnel et anti-économique. J’ai discuté maintes fois avec des personnes dignes de raison. Pourquoi allez-vous faire vos courses à Cap 3000, à Carrefour ou à Polygone ? En fait elles ne le savent pas elles-mêmes : par conformisme, par facilité, par mimétisme. Un bref échange sur le coût global de leurs achats (temps et trajets compris avec des prix pas toujours avantageux et une qualité bien souvent moindre plus les achats superflus) démontre facilement tous les inconvénients de leur démarche. Mais la publicité est très prégnante et maintient une emprise forte sur les comportements.
Voilà un bon sujet pour une campagne électorale : la protection des intérêts des consommateurs et d’un mode de vie convivial de proximité, le vrai « vivre ensemble » contre les intérêts insatiables des grands groupes financiers nationaux et mondiaux.
Je ne l’ai entendu dans la bouche d’aucun candidat…
Patrice LEMAÎTRE – Nice Provence Info