Du passé faisons table pleine !

Par Charles Chaleyat

 

De quoi est fait ce qu’on appelle traditionnellement le patrimoine ?

De tout ce que historiens, archéologues et autres ont exhumé, rassemblé, étudié, publié et exposé…

Il est lié donc aux différentes conceptions du passé que les hommes ont eues ou ont aujourd’hui.

La naissance et le dévelopement des sciences historiques* (et annexes comme la génétique et la physique nucléaire) ont considérablement modifié la vision du passé/patrimoine que pouvaient avoir tous les peuples,  y compris européens. La naissance de l’archéologie est significative quant à ce sujet, il suffit de se souvenir des débats au sujet des découvertes d’art préhistorique dans les grottes (Altamira, fin du XIXè) ou au sujet des gros ossements dits ‘antédiluviens’ parfois exhumés.

Sous la définition classique moderne d’héritage commun d’un groupe, il est fabriqué – à partir des objets, collections et  monuments  le composant – grâce toutes les représentations, explications, interprétations et revendications – innombrables, de toutes natures et raisons – à leur sujet.

Avoir un patrimoine c’est réclamer un “droit culturel”…

C’est donc se déclarer, ou même se démontrer, ‘héritier’ et ‘conservateur’ de tel ou tel objet du passé, fut-il architectural, littéraire ou même vinicole. C’est donc avoir un passé, mais de quel passé s’agit-il ?

Comment “avoir un passé” sinon en le construisant ?

Cette façon que nous avons d’avoir passé et patrimoine dépend de notre conception du temps donc de notre cosmogonie. Cet établissement, plus ou moins solide d’un lien transgénérationel, une variation sur le thème du patriotisme, si décrié sous nos latitudes mais, quand il est envisagé sur plusieurs siècles ou millénaires, si bien et militairement argumenté en Palestine, au Sri Lanka, ou en Afrique du Sud.

De nos jours, le patrimoine, étendu aux paysages, aux langues, comme aux pratiques traditionnelles (gastronomie, équitation, mode…) doit être sauvegardé à la fois comme constitutif d’un passé collectif et par désir d’approfondir nos connaissances**. Nous avons ainsi acquis aujourd’hui une vision des gaulois assez differente de celle léguée par César voire celle édifiée par les différentes républiques… Ce patrimoine subit éoliennes, autoroutes et lignes électriques, après avoir subi au cours des siècles des destructions planifiées ou non ce qui est, dans le premier cas, une forme de reconnaissance.

Ainsi des destructions de livres anciens par Qin Shi Huangdi en 213 avant le Christ, des destructions arabo-musulmanes pendant le jihad (de 632 à 1078) dont l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie en 641, le sac de Rome en 846, des destructions révolutionnaires (profanation de la basilique royale Saint-Denis après un arrêt de la Convention du 1er Aout 1793), des destructions de la mosquée Sidi Yayia de Tombouctou par les islamistes de Ansar ed-Dine, en Juillet 2012. La liste est longue, hélas…  Il survit ailleurs sous des menaces de disparition (le français au Québec, certaines langues africaines) et supporte l’imposition d’œuvres pour le moins discutables, comme les colonnes de Buren ou les installations modernes au château de Versailles..

*Dont l’archéologie née bien évidemment d’une nouvelle vision de l’histoire et de l’évolution de l’homme au sein des êtres vivants.

** A quoi on peut ajouter tout ce que les travaux profonds modernes (TGV, grands travaux) font émerger et que l’INRAP, en France, recense, sauve et étudie aussi vite qu’il peut (à ce titre, hommage lui soit rendu).

 

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