Pierre, la quarantaine, est un professeur parisien en vue. Ses élèves de l’école Notre-Dame l’adulent et les bourgeoises de l’île de la Cité nourrissent sur lui mille fantasmes enfiévrés. A part cela, nous sommes en l’an de grâce 1118 sous le règne de Louis VI le Gros : Paris est insulaire, le Marais n’est encore qu’un marais et les filles qui tapinent dans les rues fangeuses ont pour nom Ysengrine du Glay ou Sébille des Mares. Fulbert, un flasque chanoine, a soudain une idée incongrue : confier à l’illustre maître l’éducation de sa nièce Héloïse qui sort du couvent d’Argenteuil. Oui, mais, dès la première leçon, Héloïse a le cul frétillant et le con le plus accueillant au monde tandis que le logicien vient à elle avec un vit d’âne en rut.
Dès lors, le savant « Socrate des Gaules » ne pense plus qu’à hurtebiller sa doulce élève, la béluter, la bagasser, la bouillaver ! Et le voilà qui alterne entre voie orthodoxe et voie schismatique, lui labourant la gimblette ou lui enfonçant sa bêche raide dans la fente cuvière, puis c’est la jeune novice qui encaldosse maintenant l’oignard béant de son amant, un légume contondant étant passé à sa portée… Bref, on l’aura compris : Héloïse (d’Argenteuil) et (Pierre) Abélard sont amoureux ; et en amour rien n’est sale. N’est-ce pas, ma amour ?
La suite des aventures du célèbre couple sentimentalo-intellectuel du Moyen Age est archiconnue. La colère du chanoine Fulbert, on le sait, coûtera cher au maître en scolastique, l’oncle humilié chargeant trois gougnafiers de trancher nuitamment les balustrines du logicien – ouille ! -, ces précieuses génitoires que la jeune fille chérissait d’un amour intense et polisson. Que les chastes complexions le sachent : cette cuvée spéciale de la pure romance d’Héloïse et Abélard, (il)lustrée par la langue frétillante et érudite de Jean Teulé, n’a pas grand-chose à voir avec la morne version bolchevique qu’un Roger Vaillant avait proposée en son temps. On navigue ici sur des flots autrement pulsatiles, quelque part entre maître Rabelais et les Sales Blagues de Vuillemin. Et bien fol qui s’en plaindra.
Héloïse, ouille !, de Jean Teulé, Julliard, 352 p., 20 €.