Pour le synergologue, Stephen Bunard*, qui a décrypté le langage corporel d’Anne Sinclair lors de son interview télévisée sur France 2, la journaliste paraît sincère.
Rien n’est comparable à l’extrême préparation destinée à embobiner de DSK face à Claire Chazal sur TF1 en 2011, lequel surjoue les émotions qu’il veut nous donner en pâture (indignation, dégoût) et tente de maîtriser ses attitudes pour le reste. Deux écueils classiques de ceux qui se piquent d’un travail gestuel.
La partie gauche du corps d’Anne Sinclair, plus réactive, plus émotionnelle, l’emporte dans la dynamique gestuelle. Les coups d’épaule gauche montrent de la sincérité, l’utilisation prépondérante de la main gauche signe la spontanéité générale, le regard part souvent à gauche, en haut pour se confronter aux images du passé, en bas pour aller puiser dans ce qui a été lourdement vécu. L’affect semble l’emporter sur le contrôle.
Son corps décrit bien les scènes et les émotions passées qu’elle revit gestuellement, comme si elle les incarnait à nouveau, le regard n’est pas singulièrement focalisé comme les menteurs conquérants (le syndrome Cahuzac, mentir les yeux dans les yeux), ni répétitivement fuyant (comme les menteurs vigilants). Enfin, les tendances gestuelles observées précédemment sont visibles de manière récurrente pendant son entretien. Ces critères valident la part de sincérité.
Anne Sinclair reste très touchée émotionnellement. En effet, plus généralement, observable dans sa physionomie, depuis «l’affaire DSK», il semble que l’œil gauche de la journaliste soit davantage fermé, conséquence d’un stress émotionnel lourd, (le cerveau droit est à l’œuvre pour conduire à ce phénomène) et parallèlement, l’oeil droit paraît plus écarquillé, ce qui pourrait être le signe d’un plus grand contrôle exercé sur son image. Le cerveau gauche analytique serait ainsi en surchauffe. Si l’on divise son visage en deux, on voit que la partie gauche (en se mettant de son point de vue), plus «intime», montre régulièrement de la tristesse pendant les moments clés de l’interview.
La force du déni
Au moment du point d’orgue, Anne Sinclair déclare: «Je n’y ai jamais cru», le journaliste faisant auparavant référence au viol présumé (jamais nommé) supposant «l’usage de la force et l’absence de consentement». Il faut prendre ses mots comme la conséquence d’un effet de sidération. Une incrédulité qui fait qu’elle n’en a pas cru ses oreilles, ni ses yeux. Ses clignements de paupières sont plus rapides après avoir dit qu’elle n’y croyait pas: effet du stress qui tend à montrer la persistance d’un trouble sur le propos tenu.
Quand elle énonce «Vous me croyez ou vous ne me croyez pas», elle suppose qu’on ne la croira pas. C’est à mettre à son crédit au sens où elle ne fait pas de sa préférence le fait qu’on la croit, bien consciente que l’inverse est plus réaliste à penser. C’est sans doute ce moment qui nous fait dire qu’Anne Sinclair est cohérente entre son propos et comment elle vit ce qu’elle dit.
Elle explique ensuite qu’elle trouve le comportement de DSK «sot, stupide, incohérent. Un comportement qu’il a pu avoir alors qu’il était à la veille d’une élection. Je pense que c’est infantile, que ce n’est pas à la hauteur, ni de l’homme que je croyais qu’il était, ni du destin qu’il ambitionnait.» Tous les signes montrent qu’elle est très raccord avec le propos: épaule gauche présente, les paupières se resserrent. Sur le «destin qu’il ambitionnait», sa bouche est tordue par un rictus côté gauche, en forme de déception fataliste, qui concède que les choses à un moment donné ont échappé à tout contrôle.
*Stephen Bunard est coach pour dirigeants, synergologue (analyste du langage corporel) et conférencier. Il enseigne à l’ENA, à l’Université Paris-Dauphine et à l’INSEP. Il est l’auteur de «Leurs gestes disent tout haut ce qu’ils pensent tout bas.» First, 2014.