Par Marie Piloquet
Xavier Patier n’a pas choisi. Lorsqu’il s’est brutalement coupé du monde et de toutes les nouvelles qui y bruissent et que, pendant six mois durant, il n’a butiné que des œuvres au minimum centenaires, Pascal lui est revenu comme un boomerang. En pleine tête. Sous la forme du mystérieux Mémorial de 1654, ce bout de papier griffonné retrouvé cousu, au lendemain de sa mort, dans la doublure de son pourpoint.
Elliptique à souhait, à la concision redoutable mais au verbe fascinant, ce quasi-poème le taraude. Le mystère doit se lire entre les lignes. Celui d’une conversion foudroyante. « Oubli du monde et de tout hormis Dieu ».
Il l’imagine à merveille, ce Pascal de 31 ans, dans cette nuit du 23 novembre 1654 où il écrivit ces quelques mots. Et si l’extase d’un soir avait renouvelé sa vision de la vie, son appréhension du christianisme ? Le brillant mondain, chercheur et savant redouté, a mis un genou en terre et a versé les larmes des humbles. « Joie Joie Joie et pleurs de joie ». Comprenant enfin la« renonciation totale et douce » demandée par le Christ.
Xavier Patier se promène avec une aisance délicieuse dans cette seconde moitié du XVIIe siècle, entouré des partisans de Port-Royal, des scientifiques et philosophes contemporains, comme Fermat et Descartes, adversaires et comparses du génie pascalien, menant une jolie réflexion sur ce siècle si éloigné des canons de notre époque. Il rend hommage au génie mathématique autant qu’au penseur chrétien, qui comprit peut-être ce jour-là qu’il faut à toute volonté l’étincelle amoureuse.
• Blaise Pascal, la nuit de l’extase, Xavier Patier, Cerf.