https://www.youtube.com/watch?v=bojV4UV6LL0
« Daech, paroles de déserteurs » a été réalisé par les journalistes Thomas Dandois et François-Xavier Tregan, qui se sont avérés après le reportage être assez orientés sur la question du régime de Bachar El Assad. L’un des deux affirmant même, sans preuves tangibles autre qu’»un témoignage, que le régime syrien ferait du commerce et entretiendrait des relations avec l’État islamique, tout cela en luttant en commun …. contre l’armée syrienne libre. Pour le sérieux de ces affirmations, on repassera.
Durant ce reportage, les deux journalistes – dont il faut souligner la qualité de travail de terrain, notamment afin d’obtenir les bons contacts – ont approché un réseau mystérieux, Thuwwar Rakka, qui se revendique de l’ASL, l’armée syrienne libre. Ce réseau se propose de sélectionner et d’exfiltrer des combattants de l’État islamique qui souhaiteraient déserter les rangs des fous d’Allah.
Le film suit donc deux membres qui affirment être à la tête du réseau qui opère depuis la Turquie. Les journalistes ont également interrogés – et c’est là le côté central et le plus intéressant de ce reportage – des déserteurs de l’État islamique.
Si la description de ce qui se passe dans les villes – et notamment Raqqa, la capitale politique de l’EI – est intéressante mais finalement assez connue, c’est surtout la personnalité de ces déserteurs qui est révélatrice d’un état d’esprit qui va bien au delà des préceptes défendus par l’État islamique.
En effet, si ces hommes ont déserté, leurs motivations de fuite s’expliquent finalement très peu par le rejet de l’islam radical et du combat contre l’Europe et les « mécréants », mais avant tout par les luttes entre musulmans au sein des territoires contrôlés par Daech, par le totalitarisme mis en place localement. Thomas Dandois déclare d’ailleurs : « Ce sont des radicaux qui ont rejoint Daech parce qu’ils voulaient vivre sous la charia. L’un d’entre eux dit d’ailleurs qu’il est normal pour un musulman de couper des mains.».
A aucun moment en effet, ces islamistes – qui décrivent la présence de nombreux étrangers privilégiés dans les rangs de l’EI – ne condamnent les attentats visant l’Europe, les attaques contre les non-musulmans, les égorgements d’hommes … A aucun moment, ils ne rejettent leur fondamentalisme musulman.
Le reportage de Thomas Dandois et de François-Xavier Tregan a le mérite d’ouvrir les yeux de certains qui se drapent bien souvent dans l’angélisme : si Daesh, l’État islamique, ne suscite pas l’adhésion d’une majorité de musulmans, les idées fondamentalistes que ses soldats défendent sont partagées, bien au delà de mouvements de djihadistes ou de terroristes, par des millions de croyants. La majorité des musulmans vivant – sans renverser des régimes qui durent – dans des États appliquant avec plus ou moins de vigueur la loi islamique, la sharia, témoigne d’ailleurs une certaine porosité entre « L’État islamique », et de nombreuses autres composantes du monde musulman, Arabie Saoudite en tête.
Les hommes de Thuwwar Rakka s’offusquent, durant le reportage, du refus des autorités, en Europe, à travailler avec eux pour récupérer « leurs » islamistes et les réintégrer dans les sociétés occidentales. Ils soulèvent là un problème majeur pour l’avenir en Europe : le fondamentalisme musulman est-il acceptable, y compris lorsqu’il n y a pas de terrorisme, dans nos démocraties ? Les élites occidentales ont-elles seulement la mesure du nombre de jeunes musulmans en Europe qui- sans pour autant vouloir rejoindre l’État islamique, préféreraient vivre dans une Europe où les femmes seraient voilées dans la rue, où les voleurs seraient amputés, et où la religion musulmane et ses interdits guiderait chaque pan de la vie publique ?
« Daech, paroles de déserteurs, » a donc en conclusion deux intérêts principaux : le mérite de donner la parole à des acteurs, et non pas à des « experts » auto-proclamés sur la question de l’État islamique. Il amènera aussi forcément toute personne étant honnête avec elle-même à se poser la question de l’extension de l’Islam , en tant qu’institution, en Europe . Mais aussi sur la question de ceux que l’État prétend « déradicaliser » en acceptant leur retour sur le territoire ….
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