Par Alain Sanders
Il y a longtemps que je lis les études historiques de Henri-Christian Giraud et que j’admire sa piété filiale envers son grand-père, le général Giraud. Un grand soldat. Qui fut tout ce que De Gaulle n’était pas (1). Et qui, s’il n’était mort en 1949, nous aurait sans doute épargné bien des malheurs (et je ne pense pas seulement à l’Algérie française).
Pourquoi parler du général Giraud aujourd’hui ? Parce que nous entrons dans le centième anniversaire du début de la Grande Guerre. Ce qui va donner lieu à des centaines d’ouvrages de circonstance. De toutes sortes. Mais en voilà un, en tout cas, de Henri-Christian Giraud justement, qui mérite d’être distingué : 1914-1918. La Grande Guerre du général Giraud, Editions du Rocher.
Un livre important car, alors que l’on va nous bassiner avec le piètre De Gaulle, fait aux pattes comme une bleusaille par les Allemands, nous avons là un vrai héros. Un jeune officier français. Pas une chochotte.
En 1914, le futur général Giraud est capitaine. Le 30 août, il est grièvement blessé (une balle au poumon) à la bataille de Guise. Laissé pour mort sur le champ de bataille, il est récupéré par des brancardiers allemands, soigné, puis envoyé dans un camp de prisonniers.
Affaibli par sa blessure, il n’a pourtant qu’une idée en tête : s’évader et reprendre le combat.
Il va réussir. Traversant les lignes ennemies, il passe en Belgique, en Hollande, et s’embarque pour l’Angleterre. Un exploit qui, si nous n’étions pas dans un pays inverti (c’est-à-dire marchant cul par-dessus tête) à bien des égards, aurait déjà suscité quatre ou cinq grands films.
Il y en a qui, lorsqu’ils passent en Angleterre, restent au chaud. Et causent derrière un micro, par exemple… Ce n’est pas le style de Giraud. Début 1915, il est en France et il remonte aussitôt en ligne. Compte tenu de sa blessure, il pourrait obtenir un poste moins exposé. Ce n’est toujours pas le style de Giraud. Un passage à l’état-major. En 1917, il est nommé commandant. A la tête de son bataillon, le 4e Zouaves, il prendra le fort de la Malmaison.
En 1918, au sein de la Division marocaine, unité d’élite de l’armée de la Plus Grande France, il sera de toutes les offensives. Il terminera la guerre (cette guerre, car on le retrouvera aux autres rendez-vous de l’Histoire par la suite) avec cinq citations, dont quatre à l’ordre de l’armée.
On sait que, par la suite justement, Giraud eut à subir les mauvaises manières (et peut-être plus) de De Gaulle. Qui ne pardonnera jamais aux Français d’Algérie de lui avoir préféré Giraud. On peut se demander – manière de dire – s’il n’entrait pas, dans ces mesquineries gaullardes, une jalousie qui remontait à la Grande Guerre. Giraud s’est battu. Il a été blessé. Il a été fait prisonnier. Il s’est évadé. Il est revenu à la riflette jusqu’au bout. De Gaulle a attendu la fin de la guerre dans un camp de prisonniers. Point.
Henri-Christian Giraud souligne très justement : « De Gaulle a eu également le temps d’avoir la croix et de récolter deux citations. Catroux seulement une. Mais leur amertume est grande de n’avoir acquis ni la gloire militaire dont ils rêvaient, ni la certitude d’avoir contribué efficacement à effacer la défaite de 1870. »
De Gaulle, prisonnier en Allemagne, s’occupait de colis et de boutons de tunique. Giraud, à la tête de ses Marocains, bousculait Ludendorff…
(1) A lire, le livre révélateur de Henri-Christian Giraud : De Gaulle et les communistes (Albin Michel, 1988).