Le lecteur de DVD / Les Révoltés de Lomanach

 Par Alain Sanders

 

Richard Pottier (1906-1994), de son vrai nom Ernst Deutsch, a tourné une quarantaine de films : Caroline Chérie (1951) bien sûr, mais aussi Mademoiselle Swing(1942), La Châtelaine du Liban (1956), Sérénade au Texas (1958, avec Bourvil), Le Chanteur de Mexico (1956, avec Luis Mariano), etc. Et c’est dans un film de Richard Pottier qu’on entendra pour la première fois la scie indestructible de Tino Rossi, Petit Papa Noël.

En 1953 (le film sortira en 1954), il réalise Les Révoltés de Lomanach (disponible en DVD chez Gaumont). Scénario de Léo Joannon (qui n’est pas une flèche). Musique de Georges Van Parys (qui en est une, lui). Le casting est riche : la mignonnette Dany Robin, le fier-à-bras Amadeo Nazzari, Jacques Castelot, Jean Paqui, Jean Danet, Jean Debucourt. Et, pour l’anecdote, Robert Dalban dans le rôle d’un soldat.

En 1799, le Directoire ayant été renversé et Bonaparte semblant se chercher, le comte d’Artois envoie un émissaire, Monsieur de Rocheville, en Vendée, pour profiter de cet entre-deux politique et reprendre les combats. Pour réprimer le soulèvement, Fouché désigne le général Barnaud, réputé pour sa brutalité. Barnaud connaît le terrain : fils du régisseur de Lomanach, amoureux d’une des deux filles du château, il a jadis été éconduit. Et il se venge de cette humiliation en affichant des convictions républicaines radicales.

Pour les chouans-Vendéens (sur ce plan-là, sont-ce des chouans, sont-ce des Vendéens, le film est assez confus : on voit même des chouans en costume breton charger à cheval comme des hussards…), il faut éliminer Barnaud. Après plusieurs échecs (il y a une informatrice des Bleus à Lomanach), Monique, l’autre fille du châtelain, se porte volontaire. Elle est démasquée à son tour, mais Barnaud, Bleu certes mais fleur bleue aussi, s’éprend d’elle. Et réciproquement. Un amour impossible et qui finira tragiquement (il n’y a pas d’amour heureux).

Une adaptation des “Chouans”

Comme il y a très peu de films qui traitent (et sans être caricaturaux) de la chouannerie et des guerres de Vendée, celui-là, grand public, caricatural bien sûr mais sans que ce soit trop partisan (le message de base étant : toutes les guerres sont horribles, mais les guerres civiles encore plus), est d’une agréable fréquentation. Avec une juste critique des émigrés (dont les princes, hélas !) qui se la coulent douce en Angleterre et envoient des directives souvent coupées de la réalité du terrain.

A signaler que ce film est une adaptation du roman de Balzac, Les Chouans, mais une adaptation inversée. Chez Balzac, comme dans Les Révoltés de Lomanach, nous sommes sous le Consulat. Les Bretons prennent les armes et affrontent les Bleus du commandant Hulot. Fouché, toujours lui, dépêche une aristo républicaine, Marie-Nathalie de Verneuil, pour séduire et capturer le chef des Blancs, le marquis de Montauron, dit le Gars. Elle tombe amoureuse de lui et, là encore, réciproquement. Comme dans Les Révoltés, ils sont considérés comme des traîtres par leur camp respectif et exécutés. On voit que le scénariste des Révoltés ne s’était guère foulé…

D’autant qu’était sorti, en 1947, un film d’Henri Calef, directement inspiré du roman (ce n’est pas son meilleur, loin s’en faut) de Balzac, sur un scénario de Charles Spaak et Pierre Brive, musique de Kosma. La distribution en était prestigieuse : Jean Marais, Madeleine Robinson, Madeleine Lebeau, Pierre Dux, Louis Seigner, Jean Brochard, etc.

Henri Calef (1910-1994) est aussi connu pour Jéricho qui racontait la délivrance de résistants enfermés dans la prison d’Amiens. C’est, avec Les Chouans qui, Jean Marais aidant, fut un succès public, l’autre film de lui qui mérite d’être retenu. Les autres, de La Maison sous la mer (1946) à Féminin, féminin (1973) en passant parEaux troublesLa SouricièreOmbre et lumière, Les Amours finissent à l’aube, sont restés confidentiels.

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