Vidéo / Il sait quel article sera lu avant d’être écrit!

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Avec un algorithme de sa fabrication, le cofondateur et directeur de Melty, site de divertissement et d’information, cible les 18-35 ans.

C’est l’histoire d’un sweat-shirt à capuche qui ne quitte plus les épaules de son propriétaire. Un sweat passe-partout qui dit les différents rôles que campe son détenteur – surfeur, codeur, entrepreneur –, comme un avatar immuable.

Régulièrement vêtu de cet emblème, Alexandre Malsch, 29 ans, est devenu un des archétypes du jeune geek entrepreneur français. Un profil assez rare dans un pays qui manque de figures à la Mark Zuckerberg (fondateur de Facebook), mais qui rêve de « French tech ». Sous la bannière Melty, ses sites d’information et de divertissement destinés aux jeunes incarnent une valeur montante du nouveau paysage médiatique. Un paysage bouleversé par le numérique, le déluge de données et l’explosion des barrières entre contenu et publicité, journalistes et algorithmes.

 

Jeune prodige de l’ère digitale

Au-delà de son sweat-shirt et de sa passion du surf qui le mène chaque mois à Biarritz, le cofondateur de Melty répond plutôt bien au portrait-robot du jeune prodige de l’ère digitale. Certes, il n’a pas écrit ses premières lignes de codes dans un garage californien, mais il a créé son premier média à 15 ans avant de fonder, un an après, sa première entreprise. Il cultive une image d’éternel étudiant : aujourd’hui encore, Melty est installé dans les locaux de son ancienne école d’ingénieurs, Epitech, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), près de Paris.

Les lieux brossent un portrait indirect de leur maître. En apparence, tout est « cool » chez Melty : la prairie artificielle qu’on foule en arrivant, les espaces de détente qui alternent harmonieusement avec les desks d’écrans, les planches de skate qu’on peut emprunter pour se déplacer. Mais tout est également « under control ». Les 85 salariés ont été choisis à l’issue d’une sélection impitoyable qui a valorisé leur « esprit d’aventure » et leur « humilité ». Les objectifs et « indicateurs de performance » de chacun sont connus de tous. Grâce à un « reporting pyramidal » dont lui seul voit l’ensemble, le PDG surveille le moindre élément de l’activité. Les moments festifs sont organisés et inscrits à l’agenda. Le jeune patron est à l’image de sa boîte. D’abord spontané, parlant sans frein à un rythme soutenu ; mais aussi tout en maîtrise de ses messages, au point qu’il se fait aider depuis deux ans par Image 7, l’agence de communication des grandes figures des affaires et de lapolitique.

 

Shape

A l’origine du succès : un programme informatique, Shape, créé avec son complice, Jérémy Nicolas, qui permet de détecter les tendances sur le Web en temps réel. Les deux ingénieurs ont choisi de l’appliquer à la jeunesse, estimant l’offre de médias pour les jeunes très pauvre. Ils ont donc lancé un site, Melty, puis un réseau de sites, toujours sous la même marque, consacrés à différents thèmes : « fashion », « buzz », « xtrem »…

Le succès est au rendez-vous : Melty estime toucher un jeune Français sur trois, existe déjà en Italie, au Brésil, en Espagne, en Allemagne, recrute, se lance dans la production de séries vidéo… « On est incroyablement largement leader sur les jeunes », résume Alexandre Malsch, devenu en trois ans le patron d’un groupe de média sinternational qui est rentable en France et investit ailleurs.

Ces sites de divertissement incarnent une version extrême de l’information assistée par informatique. Le logiciel Shape indique aux rédacteurs de Melty quels sont les sujets les plus recherchés, discutés à un instant t. Sur cette base, ceux-ci rédigent des articles rapidement, avec les moyens du bord. L’algorithme leur recommande des mots-clés, un format, le meilleur moment pour publier. L’objectif est de mettre en ligne les contenus les plus adaptés à la demande et les plus compatibles avec les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Une fois ces contenus publiés, Melty scrute leur réception par les internautes et alimente une base de données qui lui permet deconnaître avec précision la « cible » des 15-25 ans. Forte de cette expertise, la régie de Melty peut alors « aider les marques » à s’adresser aux jeunes et réaliser pour elles des contenus publicitaires.« Nous voulons travailler avec les marques pour qu’elles deviennent plus cool », explique Alexandre Malsch. Une redéfinition radicale de la mission d’un média, dans laquelle le savoir-faire marketing supplante l’utilité sociale.

Cette vision lui a attiré les grâces de plusieurs bonnes fées. Celles qui veillent sur lui appartiennent à la tribu du nouveau capitalisme français et s’appellent Pierre Chappaz, Marc Simoncini, Matthieu Pigasse (par ailleurs actionnaire du Monde), Nicolas Plisson… Alexandre Malsch fait partie des membres fondateurs du Siècle numérique, cercle créé en 2013 pour faire pendant au très sélect Le Siècle, qui rassemble les élites politiques et économiques. Il a également appartenu au Conseil national du numérique sous Nicolas Sarkozy. L’ancien président l’avait faitasseoir à son côté le jour de l’installation du Conseil. Et, lors de sa campagne présidentielle de 2012, il s’est fendu d’une visite dans les locaux de Melty pour témoigner de son intérêt pour la jeunesse.

Alexandre Malsch dément tout positionnement politique. « Il a été rattrapé par le camp Sarkozy à qui il manquait une icône numérique sympa et qui connaisse les jeunes, raconte une figure de l’univers numérique. Il y est allé car il attache une importance dingue à son image. » Ce rapprochement lui a valu une série de portraits dans les journaux, une notoriété nouvelle et beaucoup de jalousie.

Plus que de catégories politiques, il aime parler de la « génération »Melty, dont une vidéo disponible en ligne, World of Melty, dresse le portrait. Pour lui, cette génération « des 18-30 ans » est « lucide et pragmatique »« C’est une génération qui sait que ça va être la guerre, explique-t-il. Elle ne peut pas compter sur sa famille car elle explose dans tous les sens. Elle ne peut pas compter sur le gouvernement. Elle va galérer pour trouver du taf. Mais elle a une énergie dingue qui va l’aider à digitaliser le monde. » Cela s’appelle connaître sa cible.

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