Insultez chic!

Aux oubliettes les insultes vulgaires ! Le dictionnaire français regorge de quolibets fleuris. Ne nous laissons plus aller à cette odieuse facilité qui nous fait répéter les mêmes jurons. Le Figaro vous propose de redécouvrir le lexique peu châtié de nos ancêtres. Florilège non exhaustif.
Indignez-vous, oui, mais indignez-vous bien! Prenez de la hauteur. Oubliez les insultes faciles. La rédaction vous propose d’enrichir votre vocabulaire en la matière.
Quand vous venez de rater le dernier bus, que vous venez de vous coincer l’orteil dans l’angle de la porte ou que votre collègue se prend à mâcher, bouche ouverte (sinon ce n’est pas amusant), son chewing-gum à la menthe, tâchez de sortir un joli «alvéopyge» ou «diantre» plutôt qu’un sempiternel «p*tain». Le sens n’en sera pas moins beau, certes, mais il en sera plus pétillant.
L’insulte, du latin médiéval insultus signifie «soulèvement». Alors osez décocher comme il se doit des vilenies. Mais en bon français s’il vous plaît!

● Naze
«Ce film est naze» et l’expression aussi. Ou vraiment? Largement désuète aujourd’hui, la courte locution est, semble-t-il, issue du terme italien naso, nez a pourtant une histoire pour le moins étonnante.
Le mot insipide s’est en réalité formé sur l’apocope de l’argot «nazi». Non pas pour faire référence aux sbires du dictateur allemand, mais pour qualifier au XIXe siècle des malades atteints de la syphilis. Le mot «naze» ne le semble plus tellement maintenant, n’est-ce pas?

● Faquin
De l’italien facchino (et vraisemblablement issu du français facque : poche, sac), le terme faquin est apparu pour la première fois en France, en littérature chez Rabelais en 1542. «La cour vous dit que le faquin, qui a eu son pain mangé à la fumée du rôti, a civilement payé le rôtisseur en son argent.», écrit l’auteur dans Pantagruel.
Le terme faquin possède originellement deux sens: «portefaix» à savoir «celui dont le métier consiste à porter des fardeaux» indique le CNRTL et «mannequin de paille ou de bois avec lequel on s’exerce à la lance». Pour cette dernière définition, la signification est on ne peut plus claire…
Aussi si une personne venait à vous «courir sur le haricot», préférez l’expression: «Tu sais, tu ferais un très bon faquin!» à l’invective «Si tu continues, je vais finir pas t’en donner une!»

● Pignouf
Un champignon? Un jouet? Un animal informe? L’expression questionne. Peu agréable à l’oreille et peu sympathique pour celui qui se la reçoit, la locution qui signifie «personne mal élevée et/ ou grossière» est née du verbe «pigner»: «geindre», «pleurnicher» au XIXe siècle. Une formidable manière de joindre le fond et la forme donc.
Un certain Flaubert participera d’ailleurs à sa transmission pour qualifier avec mépris les gens d’en bas ou plus généralement les individus sans manières. Il parlera ainsi de son éditeur Michel Lévy dans l’une de ses correspondances adressée à Jules Duplan en 1862: «Ce n’était guère la peine d’employer tant d’art à laisser tout dans le vague, pour qu’un pignouf vienne démolir mon rêve par sa précision inepte.»
Sachez par la même occasion que le terme «plouc», qui renvoie à une «personne rustre, manquant de savoir-vivre» est un parfait substitut au mot pignouf. Ce qui, comme le «péquenaud» ou le «pécore», signifie ni plus ni moins «individu stupide».

● Mufle
Parfois orthographié «moufle» au féminin, le terme semble-t-il hivernal ne partage en réalité aucun lien avec les gants de madame ou de monsieur. Et fort heureusement! Loin de faire référence à de jolis poignets, le mot mufle se rapporte, selon le Littré, au terme allemand Muffel ou Moffel : «chien à grosses lèvres pendantes».
Ainsi l’expression mufle ne renvoie-t-elle pas seulement à l’idée d’un personnage vulgaire et désagréable mais également et surtout à l’image d’un individu laid et repoussant, en général gras et rebondi.
L’expression «mouflet», dérivée de l’insulte vieillie et employée pour parler de nos chérubins n’a donc rien de gentillet…

● Fripon
Le terme qui s’utilise encore parfois aujourd’hui pour désigner de façon atténuée un garnement ou un voleur portait un tout autre sens il y a pratiquement cinq cents ans. Dérivé du verbe «friper», le mot «fripon» signifiait ainsi «avaler goulûment» et par extension «gourmand, bon vivant». Scarron l’employait ainsi dans son Roman Comique: «Il savait qu’il y avait force courtisanes affamées, fort âpres après les étrangers, grandes friponnes, et d’autant plus dangereuses qu’elles étaient belles.»
Très rapidement prise comme une insulte, l’expression s’est transformée en quelques années pour faire successivement référence à un voleur adroit, des enfants espiègles, des badineurs puis à des individus sans morale n’ayant aucun scrupule à tromper leur monde pourvu que le résultat leur soit favorable. «Je n’aime ni les demi-vengeances, ni les demi-fripons», écrivait ainsi le maître de la pique Voltaire dans Le Café ou l’Écossaise, rappelle le Littré.

● Godiche
L’étymologie de la locution ne ravira sûrement pas les Claude. Et pour cause! Le terme «godiche», notamment utilisé pour qualifier des personnes quelque peu nigaudes, gauches voire niaises, est en réalité un diminutif du prénom. Très populaire au début du XIXe siècle, l’expression était également communément utilisée au XVIIe siècle, mais sous différentes formes.
On retrouve ainsi dans la littérature de Molière le terme vieilli écrit: «godelureau». «J’ai peine, je l’avoue, à demeurer en place, / Et de mille soucis mon esprit s’embarrasse, / Pour pouvoir mettre un ordre et dedans et dehors / Qui du godelureau rompe tous les efforts.» (Acte IV, Scène 1, L’École des femmes).
Riche de ses synonymes, le dictionnaire français propose également dans le même sens que godiche: «empoté», «dadais» (pour parler d’un homme), «jocrisse» (originellement utilisé dans le théâtre comique) ou «gourd».

● Faraud
«Tout est dans l’apparence» pourrait-on écrire pour résumer l’expression désuète. Homme de paraître qui plus est vaniteux et hautain, le faraud est un individu qui fier de ses habits se donne des «airs avantageux» afin de séduire la gent féminine.
Au confluent de personnages comme Dom Juan et Narcisse, le faraud est donc un «hâbleur», un «fanfaron» ou plus simplement une «dinde», qui finit heureusement toujours par gourmanderie par se faire manger…

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