En campagne pour la primaire, François Fillon était en Seine-Saint-Denis dimanche 25 septembre 2016. L’ancien premier ministre a accepté l’invitation des Sikhs* de France dont le temple le plus important (gurdwara) se trouve à Bobigny.
“Il a été a accueilli dans la salle de prière ou il s’est exprimé sur la liberté religieuse”, confie au HuffPost un conseiller. Sur la page Facebook des Sikhs de France, on voit effectivement le député de Paris converser avec les représentants des 10.000 fidèles français de cette religion.
*L’enseignement sikh est apparu au XVIe siècle au nord-ouest de l’Inde, à l’intérieur du courant hindouiste de la « bahkti » (dévotion). Son inspirateur, Gurû Nânak (1469-1539), est né près de Lahore (dans l’actuel Pakistan), dans une famille hindoue de caste marchande, et a découvert très jeune l’enseignement du poète musulman Kabîr.
Après une expérience spirituelle, Nânak prêche la tolérance et enseigne que la religion doit unir les hommes. Selon ses hagiographes, il voyage ensuite dans toute l’Inde, ainsi qu’au Népal, au Tibet et au Sri Lanka, puis avec un musicien musulman se rend à La Mecque, en Perse et en Afghanistan. À son retour, Gurû Nânak fonde Kartarpur (« la Ville du Créateur »). « Il n’y a ni hindou ni musulman », répète-t-il. Et à ceux qui lui demandent comment ils doivent se définir, il répond : « Vous êtes des disciples. » C’est ainsi que le mot sikh (du sanscrit, disciple), s’est répandu.
Comment s’est-il développé ?
Avant sa mort, Nânak avait indiqué le nom de son successeur, Gurû Angad (1538-1552), pour mener la communauté. Le cinquième gurû, Arjun Dev (1581-1606), a compilé l’Adi Granth, le livre sacré des sikhs dans une forme d’hindi ancien. C’est lui également qui fit construire le Temple d’Or à Amritsar, haut lieu du sikhisme.
Le dixième et dernier gurû, Gobind Singh (1666-1708), a introduit un rite d’initiation sikh et imposé le port du kirpan, dague à double tranchant qui est l’un des cinq signes distinctifs des sikhs – les « cinq K » – avec le kesha (cheveux longs enveloppés dans un turban), le kangha (peigne), le kara (bracelet d’acier) et le kaccha (caleçon court). Il faut dire qu’à la fin du XVIIe siècle, les sikhs étant persécutés par les Moghols, le pacifisme qui était de règle sous Gurû Nânak fait place à un engagement armé. « Lorsque tous les autres recours ont été épuisés, alors il est parfaitement juste de tirer l’épée », disait Gurû Gobind Singh.
Après plusieurs victoires, cet engagement armé aboutit à une défaite contre les Moghols en 1716 et à un repli dans les montagnes du Pendjab. Un état indépendant sikh voit le jour en 1799, grâce notamment au maharaja Ranjit Singh (1780-1839), et durera jusqu’à son annexion par les Anglais en 1849. Les sikhs cessent leur coopération avec les Britanniques en 1919, lorsque ceux-ci massacrent des fidèles dans le Temple d’Or.
Lors de la partition de l’Empire des Indes en 1947, la province du Pendjab a été divisée entre l’Inde et le Pakistan. En 1966, le Pendjab indien a été de nouveau divisé en trois États : l’Himachal Pradesh et l’Haryana, où l’on parle hindi, et le Pendjab, à majorité sikhe et où l’on parle pendjabi ; le Pendjab et l’Haryana ayant pour capitale commune Chandigarh (mais la ville ne fait partie ni d’un État ni de l’autre).
Depuis les années 1970, une fraction fondamentaliste réclame la création d’un État sikh théocratique, ce qui a abouti, en 1984, au massacre d’extrémistes dans le Temple d’Or par l’armée indienne. En représailles, deux sikhs faisant partie des gardes du corps d’Indira Gandhi ont assassiné le premier ministre. Il s’ensuivit quatre jours de massacres de sikhs à Delhi (3 000 morts).
Que prêche-t-il ?
L’enseignement spirituel des dix gurûs, recueillis dans le Siri Gurû Granth Sahib, est la base du sikhisme. Selon le principe « Ik-On-Kar » – que l’on peut traduire par « une seule (ik) conscience créatrice (on) manifestée (kar) » –, les sikhs croient en un Dieu éternel et créateur, à la fois immanent et transcendant.
S’inspirant des théories hindoues du karma et de la transmigration des âmes, le sikhisme invite à mener une vie intègre et honnête, en renonçant notamment à la consommation de viande (ils peuvent cependant en manger à condition que l’animal n’ait pas été tué selon les règles halal), d’alcool, de tabac et aux jeux de hasard. Et ce afin de ne pas prolonger le cycle des réincarnations et de parvenir à la « mukti » (libération). Car le but suprême de l’existence est de devenir « sachiar » (littéralement « réalisé par soi-même »), en vivant de manière fraternelle et généreuse. « Travaille, partage le fruit de ton travail, médite sur le Nom », résume la devise sikhe.
Le sikhisme invite à rechercher l’union avec Dieu, considérant qu’il n’y a pas de différence entre celui qui aime Dieu et Dieu. Si les sikhs ne reconnaissent pas le système des castes sur le plan sotériologique, ils s’y conforment sur le plan social. Un sikh se soumet à la volonté de Dieu mais n’est pas fataliste. Les fêtes sikhs célèbrent la naissance et la mort des dix gurûs, ainsi que la création en 1699 de l’ordre chevaleresque des « khalsa » (les purs), regroupant tous les sikhs, homme et femmes, qui ont été initiés.
Qui sont les sikhs aujourd’hui ?
En Inde, les sikhs sont 20 millions (1,9 % de la population) installés essentiellement au Pendjab, ainsi que dans la capitale Delhi. « Le sikhisme est l’incarnation de l’identité du Pendjab, État de l’Inde où le revenu par habitant est le plus élevé », rappelle Denis Matringe, directeur de recherche au CNRS. Ils sont majoritairement des ruraux (avec 1,6 % de la superficie de l’Inde, le Pendjab produit 23 % du blé, 14 % du coton et 10 % du lait du pays), mais ils occupent aussi souvent des postes importants dans les transports, l’agroalimentaire, l’armée…
Beaucoup de sikhs ont pour nom « Singh » (signifiant « lion »), tels Manmohan Singh (premier ministre de l’Inde depuis 2004) ou Montek Singh Ahluwalia (grand économiste indien, actuel directeur de la Planning Commission of India). Les femmes sikhes, elles, s’appellent souvent « Kaur » (princesse) et revêtent généralement le « chuni » (voile laissant visible la racine des cheveux).
Près de 2 millions de sikhs vivent en diaspora, dont près d’un million en Amérique du Nord, 500 000 au Royaume-Uni et 10 000 en France. Ces derniers sont presque tous domiciliés en Seine-Saint-Denis, notamment à Bobigny (où le temple Gurdwara Singh Sabha réunit un millier de sikhs tous les dimanches), à Bondy, à La Courneuve et au Bourget.