« Attentats à Paris : l’un des kamikazes tenait un “coffee shop” à Bruxelles » (20 minutes). « Ismaël Omar Mostefaï, l’un des kamikazes français du Bataclan » (le Monde). « Attentats de Paris : un des kamikazes venait de louer un appartement à Bobigny » (le Parisien). « Attentats de Paris : qui sont les kamikazes identifiés ? » (RFI). « Le mystère du comportement des kamikazes au Stade de France » (Huffington Post). « Attaques de Paris : qui sont les kamikazes, quels complices éventuels ? » (Le Point).
Kamikazes par-ci, kamikazes par-là : on va finir par croire que ce sont des Japonais qui ont semé la mort à Paris vendredi 13.
L’amateur de culture japonaise que je suis s’insurge !
Kamikaze (pour bien faire, il faudrait accentuer le « e » muet final, kamikazé). Le mot signifie « vent divin », en référence aux typhons légendaires qui engloutirent par deux fois, en 1274 et 1281, la flotte mongole de Kubilai Khan prête à envahir le Japon.
Puis ce fut un militaire lancé dans les opérations désespérées, décidées par le haut commandement nippon à partir de novembre 1944, quand il fut clair que la guerre était perdue, mais pas l’honneur. Que cette manœuvre fût militairement peu efficace face à l’armada américaine, et humainement et sociologiquement désastreuse, en sacrifiant des milliers de jeunes cadets sortis du système universitaire, est une autre histoire. Dans tous les cas, il s’agissait de soldats partant affronter d’autres soldats. Pas d’assassins — un mot persan (désignant la secte des Nizarites) confondu avec un mot arabe (fumeurs de haschisch), tiens — voués à massacrer des populations civiles indistinctement. Ça, ça s’appelle des criminels, et un criminel islamiste (le mot que François Hollande ne prononce pas) est juste un criminel. Un chien enragé. Même pas un homme.
Je viens de voir en DVD — avec deux ans de retard — un magnifique (j’insiste) film de Takashi Yamazaki, Kamikaze en français, l’Eternel Zéro (du nom des avions sur lesquels embarquaient les kamikazes) en japonais et en anglais. Un très beau film, très émouvant, sur la mémoire — les deux petits-enfants d’un kamikaze enquêtent aujourd’hui auprès des (rares) survivants sur celui qui fut leur grand-père et qui disparut dans les derniers combats — salué par le Premier ministre Shinzo Abe, et critiqué comme il se doit par les pacifistes : le Japon apparemment a son lot d’associations culpabilisantes. Un film-enquête (mais ponctué de très belles scènes d’aviation et de combat) qui montre bien justement l’aspect humain de ces soldats voués à mourir. Après tout, le kamikaze se suicidait aux commandes de son avion, tout comme les samouraïs se faisaient seppuku.
Comme je ne répugne jamais à faire l’éducation des foules, je rappellerai que les samouraïs avaient été tout simplement interdits sous l’ère Meiji (1868-1912), que le droit même de porter une épée leur avait été retiré sous peine de mort, mais que leur mythe avait été opportunément réhabilité sous l’éphémère ère Taisho (1912-1926) et surtout sous l’ère Showa (1926-1989 — de l’invasion de la Mandchourie au Japon moderne en passant par la Seconde guerre mondiale, le long règne d’Hirohito), avant d’être récupéré par les yakuzas, le folklore cinématographique de la reconstruction — pas un hasard — et, d’une certaine manière, par les cadres supérieurs japonais modernes. Ce mouvement de balancier a permis l’exaltation de ces jeunes gens prêts à mourir pour l’empereur. Et le suicide de Mishima par seppuku en 1970 n’est jamais que l’ultime démonstration des valeurs traditionnelles du Japon en résistance à l’ère du base-ball et de la vulgarité américaine.
Si nous étions plus rigoureux nous-mêmes, les gastronomes ici devraient arroser les McDo de leur sang.
Aucun rapport en tout cas avec ce qui vient de se passer : à Paris, ce n’étaient pas des « vrais croyants » affrontant des « croisés », comme ils aiment le dire — savent-ils seulement que les Croisades sont terminées depuis 800 ans ? C’étaient juste des connards sanguinaires.