Bientôt sur toutes les télévisions, la série The Young Pope met en scène un pape jeune, américain, sexy et réactionnaire. Coproduction internationale imaginée par Paolo Sorrentino (à qui on doit Il Divo et La Grande Belleza), The Young Pope est consacrée à l’imaginaire Pie XIII, dont le nom seul est tout un programme : n’est-il pas le fils spirituel de Pie XII, dont Slate nous assure que « pour les progressistes qui le détestent, il reste l’incarnation du vieux rêve romain de restauration chrétienne et d’un catholicisme révolu, un pape intransigeant qui s’est trompé de siècle, l’un de ces souverains, augustes et hiératiques, qui ont compté pour le pire dans l’histoire ».
Sorrentino a mitonné un House of Cards à la sauce vaticane, avec un machiavélique rétrograde (qui fume, comme le cardinal Ratzinger, Sorrentino dixit), reprenant à son compte tous les fantasmes d’une Eglise gangrenée par les luttes internes, emplie de gens de haine et de complot. La bande annonce (précédée d’un avertissement expliquant qu’elle contient des scènes déconseillées aux moins de 16 ans) contient assez d’outrances grotesques pour rassurer (ou inquiéter, c’est selon) sur les intentions du créateur : « Je suis une contradiction, un Dieu », affirme tranquillement Pie XIII, après avoir affirmé n’avoir aucun péché à confesser. La pompe vaticane déroule ses lents cérémoniaux pendant que le monde croule et que le jeune pape, agnostique et bisexuel, très porté sur sa garde-robe, promet la révolution (sic). Ce sépulcre blanchi est-il l’antéchrist ? La réaction va-t-elle détruire l’Eglise – ou la sauver ? Car, quoique « d’un conservatisme fleurant l’obscurantisme le plus archaïque, [Pie XIII] se révèle pourtant éperdu de compassion envers les plus pauvres et les plus faibles. Et malgré les trahisons de son entourage et sa peur de l’abandon, y compris de son propre Dieu, il n’hésitera pas à se battre avec la plus grande ferveur, en franchissant plus d’une fois les limites édictées par les pauvres mortels » (avoir-alire.com).
Rien n’ira très vite, en tout cas, puisqu’une deuxième saison est commandée avant même que la première soit publiquement diffusée. Les journalistes répètent à l’envi que les deux premiers épisodes ont été très bien accueillis par les professionnels et que tout s’annonce très excitant, à proportion des déclarations aberrantes du pape, de ses opinions délicieusement scandaleuses et de ses mœurs coupables (avoir-alire, cependant, parle de « cynisme de pacotille et [d’]un goût prononcé pour les clichés »). Sorrentino, qui tient à donner des gages de respectabilité, se défend de toute forme d’intolérance et ne revendique qu’une « exploration honnête et curieuse des contradictions et des difficultés, et des aspects fascinants, du clergé » (Variety). Mais Première lui prête ce propos : « Notre pape [Pie XIII] est diamétralement opposé à celui en place [François]. C’est un pape assez peu probable. » Variety dit le contraire : « Notre pape n’est pas improbable ; dans un futur proche, un tel pape est possible. » Sorrentino, vigie du Progrès, mobilise les abonnés du câble pour empêcher que cela arrive.
Hubert Champrun – Présent