Budapest, le 23 octobre 1956!

A Budapest en 1956, il y a 60 ans, le printemps est né en octobre. Des jeunes gens. Des centaines de jeunes gens, presque des enfants, qui montent à l’assaut des bâtiments communistes. Les forces de répression qui les mitraillent. Dans le parc Staline, la statue du dictateur rouge, haute de sept mètres et érigée sur l’emplacement d’une église rasée, a été jetée à bas.

Le 19 octobre, les étudiants avaient donné le signal du soulèvement. Le 20, dans un meeting tenu au théâtre de Györ, Lajos Simon demandent que les troupes soviétiques, qui occupent la Hongrie depuis dix ans, évacuent le pays.

Le 23, ils sont des milliers devant la statue de Petöfi, le poète nationaliste hongrois. Une jeune fille s’avance, un drapeau hongrois à la main. Un drapeau au centre duquel il y a l’emblème soviétique. Elle lacère l’emblème honni et dresse le drapeau « libéré » au-dessus de la foule. Un cri immense : « Liberté ! Liberté ! »

Dans un même mouvement, chantant « Debout Hongrois, votre pays vous appelle ! », la foule se rassemble devant la statue du général Bem, héros de la guerre d’indépendance. Des drapeaux rouges foulés au pied, brûlés. D’une caserne proche, des soldats hongrois applaudissent. « Arrachez l’étoile rouge de vos calots ! » crient les manifestants. Les soldats obéissent aussitôt.

Un groupe de jeunes nationalistes arrivent devant la Maison de la Radio, dont les portes sont solidement cadenassées. Les gardes les interpellent :

— Que voulez-vous ?

— Parler au micro !

— Pour quoi dire ?

— Que nous voulons une Hongrie libre !

— Mais… vous êtes devenus fous !

Caché dans son bureau, le directeur de la radio, Valéria Benke, n’en mène pas large. Il appelle le Comité central : « Ils deviennent menaçants. Que dois-je faire ? » Réponse : « Occupez-les, on vous envoie des renforts. » Pour gagner du temps, Benke annonce : « Nous sortons vous interviewer. » Un camion de prise de son sort du bâtiment. Un journaliste régimiste tend son micro aux étudiants. Il n’est pas déçu : « Vive la Hongrie libre ! » « A bas le communisme ! A bas les Russes ! »

Un des manifestants demande alors à des Hongrois qui assistent à la scène depuis leur appartement : « Vous nous entendez à la radio ? ». « Pas du tout ! » « Comment ? Mais nous parlons en direct ! » « C’est impossible ! La radio retransmet en ce moment un discours d’Erno Gerö… »

Gerö est le secrétaire général du parti communiste hongrois. Il est haï par tout le pays. Pendant que les étudiants parlent devant un micro mort, les forces de répression prennent position autour de la Maison de la Radio. Un jeune homme saute dans le camion de prise de son, frappe le chauffeur, le jette dehors, embraye, accélère et fonce sur le portail du bâtiment. Des rafales, puis des grenades explosives partent de l’intérieur, couchant sur le sol des dizaines de manifestants désarmés. Nous sommes le 23 octobre. Il est 20 h 10. La révolution nationaliste hongroise vient de commencer. Dans le sang. L’Occident, vautré, assistera au massacre…

Alain Sanders – Présent

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