En s’installant à l’hôtel de Roquelaure, Nicolas Hulot savait que la partie serait compliquée. Pourtant, il semble qu’il ait sous-estimé les difficultés de la tâche. À coup sûr, il n’a pas songé à se donner les moyens de surmonter les obstacles qui ne manqueraient pas de se présenter. D’où une erreur politique : dès le départ, ne pas se procurer de solides soutiens dans l’opinion publique, sans lesquels l’affaire tournerait court et adieu la « transition écologique ».
Au JT de 20-heures, une bonne explication de texte sur le thème « aidez-moi ! » et « J’ai besoin de vous pour combattre les ennemis de la nature » aurait été du meilleur effet. Parallèlement, une opération Internet ressemblant étrangement à celle que pilotèrent « Les jeunes avec Macron » (La « bande de Poitiers », des anciens du MJS) aurait permis d’orienter les médias dans la bonne direction en désignant les « méchants » (FNSEA, ministère de l’Agriculture, industriels de l’agrotourisme, EDF…).
Faute de bénéficier d’appuis en béton, Hulot apparaissait seul et faible politiquement : les écolos le critiquaient, la population jouait les spectateurs, les lobbys lui savonnaient la planche, et ses collègues du gouvernement brillaient par leur manque de solidarité. Du côté de l’Élysée et de Matignon, on se contentait de lui distiller de bonnes paroles à chaque fois qu’il manifestait l’intention de partir. Si bien que ce qui devait arriver arriva : « Je prends la décision de quitter le gouvernement. Aujourd’hui. » (France Inter, matinale 7/9, mardi 28 août 2018). Même s’il avait affirmé le contraire trois mois plus tôt : « Je reste au gouvernement » (France Inter, mercredi 6 juin 2018).
Nicolas Hulot avait achevé sa déclaration à France Inter par un réquisitoire sévère : « Le nucléaire, cette folie inutile économiquement et techniquement, dans lequel on s’entête… » Sans doute avait-il de bonnes raisons pour régler ses comptes, c’est ce que montre une enquête fouillée publiée par Le Monde (9-10 septembre 2018) : « Comment la « machine » EDF a eu raison de Nicolas Hulot ». On apprend ainsi que « l’affrontement entre EDF et Nicolas Hulot ne s’est pas produit directement. « C’est plutôt Bercy qui portait la voix d’EDF », explique une source ministérielle, agacée. Hulot, il s’est contenté de faire des déclarations dans les médias mais n’a jamais pris le sujet de face. Il pensait que son aura serait suffisante. » Parallèlement, EDF mène une intense campagne de lobbying dans les arcanes d’un ministère qu’il connaît bien, et avec l’aide de plusieurs élus très favorables au nucléaire. » On verra même deux hauts fonctionnaires, dont l’un est conseiller du PDG d’EDF, rédiger un rapport recommandant la construction de six EPR en France pour maintenir le savoir-faire français dans ce domaine. Alors qu’à Flamanville, le chantier, débuté en 2007, devait coûter 3 milliards d’euros et le réacteur être opérationnel en 2012. Le chantier est aujourd’hui évalué à 11 milliards d’euros et le réacteur ne sera pas raccordé au réseau avant la mi–2020, au mieux.
Deux questions restent donc posées : « comment diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% ? Et faut-il lancer en France la construction de nouveaux réacteurs pour remplacer à terme le parc actuel ? » (Le Monde, 9-10 septembre 2018). À coup sûr, Nicolas Hulot aurait gagné, dès son arrivée au ministère de l’écologie, à tordre le bras du PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, pour que ce dernier prenne en charge le lancement d’un grand plan « énergies alternatives ». En effet, avant de songer à fermer des centrales nucléaires, il faut commencer par développer ces énergies de remplacement. Et cela EDF en a les moyens – financiers et techniques.
Bernard Morvan
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