Enserrée dans le creux de son vallon, l’Abbaye Notre-Dame de Sénanque demeure comme un des plus purs témoins de l’architecture cistercienne primitive. Elle est toujours habitée par une communauté de moines cisterciens. Tout l’édifice du 12ème siècle est toujours utilisé par les moines de Sénanque, mais est toutefois accessible grâce à des visites guidées : dortoir, église abbatiale, cloître, chauffoir et salle du chapitre.
C’est la première pièce que vous visitez. A l’origine, il pouvait accueillir une trentaine de moines, dormant au sol sur des paillasses, tout habillés. Le dortoir mesure près de trente mètres de long. Il est couvert par une voûte en berceau brisé, coupée en trois parties inégales par deux arcs doubleaux. Les corniches, au sommet du mur et à la base de la voûte, servaient à soutenir les cintres en bois qui permettaient la construction de cette voûte. Une rosace et une fenêtre ont été percées sur le mur Ouest. Des travaux plus tardifs auraient affaibli l’édifice et seraient à l’origine du décrochement de pierres que nous pouvons observer sur la voûte. Une autre hypothèse parle d’un tremblement de terre (celui de 1909?).
Le plan de l’Abbaye est entièrement organisé en vue de la prière continuelle du moine et de la liturgie communautaire. Ainsi, le dortoir est construit dans le prolongement direct du transept de l’église. Dès deux heures du matin, les moines quittaient le dortoir pour le premier office à l’église. De même, le soir, ils rejoignaient leur couche aussitôt après le dernier office.
Vous quittez le dortoir à son extrémité Est, pour descendre dans l’église. Vous arrivez dans le transept, ce qui vous permet de découvrir à gauche la grande abside, éclairée par trois ouvertures qui convergent vers l’autel. Cette grande abside est encadrée de deux absidioles (deux chapelles) de pur style roman de chaque côté. Chaque chapelle servait à la célébration de messes privées (pour le repos de l’âme d’un bienfaiteur, par exemple). En face de vous, le mur Est est percé de deux petites fenêtres et d’un grand oculus orné d’une roue. En dessous se trouve le tombeau et le monument funéraire de Geoffroy de Venasque, bienfaiteur de Sénanque. Au dessus, à la croisée du transept, la voûte s’élève sous la forme d’une coupole, reposant sur quatre trompes : quatre petites voûtes en cul de four, en forme d’arc à six lobes, qui permettent de passer du plan carré de la croisée du transept à l’octogone de la coupole. Il faut se rendre ensuite dans la nef et s’asseoir au fond pour apprécier l’église dans son ensemble, typiquement cistercienne par son dépouillement extrême. L’église est construite en forme de croix. Aucun décor ne doit troubler la prière et le recueillement des moines. Seule, la lumière, symbole de Dieu, doit moduler l’espace. Les moines de chœur occupaient des stalles tandis que les frères convers se tenaient dans la partie occupée par les bancs aujourd’hui. Les frères convers entraient dans l’église par les portes latérales du fond. Remarquez l’absence de grand portail, ce qui est très rare.
En sortant de l’église, vous arrivez dans le cloître. C’est le centre de l’abbaye, lieu de passage. Il relie les différentes parties du monastère, mais c’est avant tout un lieu de méditation, de lecture. Vous remarquez, près de la porte de l’église, l’ancien armarium dans lequel étaient rangés les manuscrits. Le cloître est une cour intérieure bordée de quatre galeries qui ouvrent sur le jardin par douze arcades en plein cintre. Ici aussi, l’austérité se fait sentir. Les chapiteaux des colonnes, tous différents, sont simplement ornés de motifs végétaux. Depuis la galerie Sud, vous voyez très bien le clocher de l’église, typiquement roman, et les toitures de lauzes (pierres sèches assemblées sans charpente). Une fontaine, dont on peut voir les arrachements de la voûte dans l’angle sud-ouest, a été détruite au moment des guerres de religion.
C’était dans cette salle que les moines venaient travailler. Elle servait de scriptorium, lieu où l’on copiait les manuscrits. Comme son nom l’indique, c’est la seule pièce chauffée du monastère. Cette petite salle est voûtée de quatre voûtes d’arêtes qui retombent au centre sur une robuste colonne dont le chapiteau est orné de feuilles d’eau et de fleurs de lys. Une très belle cheminée, conique, permet de brûler des troncs placés à la verticale. La salle à l’origine comportait deux cheminées comme l’attestent les deux lanterneaux visibles depuis l’extérieur.
La salle du chapitre, ou salle capitulaire, est la salle où se réunissait la communauté monastique autour de son père Abbé, pour l’écoute d’un chapitre de la règle de Saint Benoît. C’est ici que les moines prenaient les décisions concernant la communauté et que s’effectuaient les prises d’habit, les professions monastiques ou l’élection du père Abbé. Les moines s’asseyaient sur les gradins. Le père Abbé, placé au centre, faisait face à une représentation, figure du démon, sculptée dans le cloître. Ce qui caractérise cette salle, c’est la finesse de son acoustique : la parole s’y fait entendre sans effort, grâce, notamment, aux six croisées d’ogives. C’est la seule pièce où il était permis de parler.