La chute des hommes

Cheyenne-Marie Carron, récente réalisatrice de l’Apôtre mais aussi de l’excellent Patries, sort son dernier film intitulé « La chute des hommes ». A nouveau, Cheyenne Carron a réalisé ce film en auto-production, pour ne pas être obligée de voir son scénario sans arrêt modifié et remodelé par le « Cinéma officiel subventionné » .

« Pour faire un film dans le Système, il faut accepter de faire « valider» votre scénario par une quarantaine de personnes ; comité de lecture de Canal, comité d’une seconde chaine (type TF1),comité du Centre National du Cinéma, comité d’une SOFICA, comité d’une région. Je ne pense pas que le cinéma soit le regard de 40 personnes, mais d’un auteur, qui mène son combat seul contre tous.» explique-t-elle sur son site Internet.

Et avec « La chute des hommes », Cheyenne Carron a une nouvelle fois réussi son pari ; réaliser un excellent film – qui pêche peut être parfois en longueur (2h20 tout de même) – sans l’aide de l’industrie cinématographique et de l’Etat, qui veut systématiquement avoir l’oeil sur le cinéma qu’il autorise, ou pas.

« La chute des hommes » raconte trois histoires qui se croisent ; celle de Lucie, jeune femme passionnée de parfumerie, fille d’un Français païen et d’une Russe orthodoxe, qui part pour un voyage d’études au Moyen-Orient. Idéaliste, éprise d’aventure et d’envie d’aller à la rencontre d’une nouvelle civilisation, elle va se retrouver capturée par des membres de l’État islamique dès son arrivée au Moyen-Orient, avant de vivre une terrible descente aux enfers.

Son destin tragique croisera celui de Younes, un chauffeur de taxi victime – comme beaucoup d’autres dans son pays – de la crise économique. Ce dernier, par amour pour sa femme et son fils, et afin de tenter de leur offrir un destin meilleur, va « vendre son âme au diable islamiste », en jetant dans les bras de l’État Islamique la jeune Lucie, trop naïve et insouciante. Il sera bien trop tard quand ce dernier se rendra compte du mal qu’il aura provoqué, pour faire le bien de sa famille.

Lucie croisera également le destin d’Abou, un Français converti à l’islam, parti combattre dans les rangs de l’État islamique. Un Français de souche, paraissant limité intellectuellement, totalement paumé, mal dans sa peau, en quête d’identité et d’aventure ; du pain béni pour les responsables de son unité, qui l’abreuvent au quotidien de slogans islamiques et de propagande. Malgré cela, on sent chez lui, tout le long du film, comme la sensation qu’il n’est pas à sa place, qu’il se cherche, qu’il n’est pas capable de devenir le monstre froid que les combattants d’Allah souhaiteraient voir devant eux.

« La chute des hommes », c’est la rencontre de ces trois jeunes destinées, mais c’est bien plus encore. Il s’agit d’une longue et lente – vraiment trop lente parfois, seul bémol du film – réflexion sur ce qui pousse les hommes à vouloir s’élever, se transcender, mais aussi croire aveuglément, avec le risque parfois de tout perdre, de tout rater, ou d’emprunter un chemin sans retour.

Le film évoque également la spiritualité, la relation à la religion et à la recherche d’un ou de plusieurs dieux, protecteurs ou guides. La recherche d’un ailleurs, d’une identité, d’un idéal, en marge d’une société qui n’a plus rien à offrir à ses enfants que le temple de la consommation.

C’est enfin, et on le sent bien durant tout le film, avec l’atmosphère, mais aussi avec la superbe musique ou certains symboles, un film profondément chrétien. De Lucie, qui refuse de renier ses origines et sa religion même devant la lame qui va lui trancher la gorge, à Abou, ce converti à l’islam, qui, dans sa dernière chevauchée avec le diable, ne trouvera d’ailleurs comme seul refuge face à la mort toute proche (mais pas certaine) que l’apaisement d’un « je vous salue Marie » prononcé comme une sorte de tentative de rédemption finale.

Il faut souligner – outre la qualité de réalisatrice de Cheyenne Carron – les talents prometteurs, en tant qu’acteurs et actrices, que sont Laure Lochet (dans son rôle de jeune occidentale idéaliste, parfois un peu hystérique) , Nouamen Maamar et, peut être à un niveau moindre, François Pouron (Abou Abdel Rachid).

« La chute des hommes » est un film à voir, à montrer, à soutenir et à diffuser. Il est la preuve qu’il existe un cinéma indépendant, français, auto-produit, de grande qualité. Un cinéma qui mérite d’être connu et promu, sans doute bien plus que de nombreux films à la qualité et aux message douteux, subventionnés et par dessus tout imposés au grand public dans les salles obscures.

Yann Vallerie

Pour commander le DVD, rendez-vous sur le site de Cheyenne Carron ou à cette adresse e-mail : [email protected]. Le film sortira par ailleurs le 23 novembre dans les salles de cinéma qui voudront bien le programmer.

Photos : DR
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