https://www.youtube.com/watch?v=juQw-24vwGg
On connaît les tags couvrant les murs de messages ésotériques. Un certain Jack Lang a consacré, naguère, ces créations en encourageant leurs auteurs et les admettant dans le large cercle des arts. Depuis, ces conquérants des murs vierges ont escaladé la troisième dimension, offrant aux béotiens et autres obtus incultes des ouvrages aériens visibles de loin et inaccessibles aux équipes de nettoyage ordinaires. Ces monte-en-l’air ont de l’audace et du mérite ! Grimper sur ces parois verticales souvent écrues, avec les multiples bombes nécessaires à des ouvrages aériens, et ce, de nuit pour échapper à la vigilance ordinaire des propriétaires, représente une performance.
En l’occurrence, la « performance », acception anglaise magnifiant l’exercice d’un show, semble doublement justifiée. Comme elle l’est pour certaines « installations » plus précaires qui font se pâmer les adeptes inconditionnels de la culture dite contemporaine…
Un autre support, conférant une dynamique à l’imagination et permettant la propagation de l’art des « urban painters » vers la ruralité et les bovins toujours enclins à interrompre une rumination laborieuse pour l’observation curieuse des trains en marche, fut également choisi par les virtuoses de la bombe.
Apparemment faciles d’accès dans les gares de triage et à bon niveau pour un travail sans risque, ces supports multiples ont conféré du pittoresque et de l’inattendu à de mornes, longilignes et bruyants transports ferroviaires…
L’imagination de ces artistes bénévoles et pour la plupart anonymes est sans limite dans la quête des supports. En revanche, l’originalité de leur exposition est plus limitée, qui entrelace des lettres en syllabes onomatopéiques d’un texte indéchiffrable aux non-initiés !
À défaut de pouvoir (pour l’instant ?) accéder, sur le Tarmac, aux avions de ligne en escale pour permettre la sublimation aérienne et atteindre à la renommée internationale, un nouveau champ d’expression panoramique leur est offert avec de nouveaux murs antibruit le long des autoroutes et les ouvrages d’art, les biens mal nommés, de nouveaux chantiers tels, par exemple, celui du doublement de l’A9 au sud de Montpellier. Aussitôt qu’érigés et avant même leur achèvement, les piliers et parapets des ponts reçoivent le baptême pictural des graffiteurs insatiables. Les murs antibruit deviennent des surfaces linéaires d’expression qui s’imposent aux usagers. Chauffeurs routiers peu enclins à la visite des musées, travailleurs journaliers ou familles enlisées dans les bouchons saisonniers et autres otages du bitume ne peuvent échapper au spectacle. Lorsque le trafic devient enfin plus fluide, la fugacité de l’observation ajoute au mystère des symboles…
Peu réceptif aux messages qui sont désormais imposés où que l’on se déplace, je me pose une question essentielle sinon existentielle. Qui sont et surtout combien sont ces intrépides voltigeurs de la couleur apparemment toujours en embuscade pour s’emparer d’un nouveau support ? Sont-ils légions organisées ou francs-tireurs solitaires, jeunes autodidactes ou sortis par la petite porte des beaux-arts, chômeurs de longue durée ou anciens commandos défroqués des forces spéciales ?
Sûrement pas des écolos, assurément !
Une autre question me turlupine : qui les nourrit, le mécénat ou le RSA ?