Ne dites pas tentative de viol mais drague qui a mal tourné.
Ne dites pas cancre mais inappétant scolaire ou élève en auto-socio-construction de ses savoirs.
Ne dites pas rééducation des enfants mais déconstruction des stéréotypes de genre.
Ne dites pas parent d’élève mais géniteur d’apprenant (qui n’apprend généralement pas grand-chose d’ailleurs…).
Ne dites pas piscine mais milieu aquatique profond.
Ne dites pas enfant d’immigré mais enfant issu de parents d’éducation éloignée.
Ne dites pas délinquant multirécidiviste mais gentil garçon peu favorablement connu des services de police.
Ne dites pas vols de métaux mais ferraillage.
Ne dites pas Romanichels, ni même Roms, ni même Roumains, préférez parler de voyageurs… et de camps de Voyageurs (avec majuscule de respect).
Ne dites pas Union européenne ni organisation de Bruxelles mais Europe.
Ne dites plus Joyeux Noël mais Joyeuses Fêtes.
Ne dites pas délinquant immigré mais jeune (même s’il s’agit d’un homme de 35 ans).
Ne dites pas bandes de voyous mais groupes affinitaires.
Ne dites pas encourager l’islam en finançant les mosquées mais laïcité positive.
Ne dites pas repas halal mais repas aménagé.
Ne dites pas islamiste mais islamiste modéré.
Ne dites pas djihadiste mais individu déséquilibré ou loup solitaire autoradicalisé sur Internet.
Ne dites pas salle de shoot mais salle de consommation à moindres risques.
Ne dites pas Russie mais pays de Poutine.
Ne dites pas capitalisme cosmopolite mais globalisation.
Ne dites pas immigré clandestin mais migrant.
Ne dites pas banlieue de l’immigration mais quartier populaire.
Ne dites pas art déraciné marchand datant du début du siècle précédent mais art contemporain.
Ne dites pas père ou mère, ou mari ou femme, mais déclarant 1 ou déclarant 2.
Ne dites pas profanation d’une église ou d’une tombe catholique, dites dégradation (le terme profanation est en revanche incontournable s’agissant de faits concernant des sites juifs ou musulmans).
Ne dites pas soumission stratégique aux Etats-Unis mais liens transatlantiques.
Ne dites pas la France est un satellite des Etats-Unis mais un pays allié.
Ne dites pas bombardements mais frappes chirurgicales.
Ne dites pas victimes civiles mais dommages collatéraux.
Ne dites pas ensemble de pays inféodés aux Etats-Unis mais communauté internationale.
Ne dites pas vérité désagréable mais propos inacceptables, voire nauséabonds.
Ne parlez plus de liberté d’expression mais déplorez… l’abus de la liberté d’expression.
Ce dictionnaire est, bien sûr, à recommander aux étudiants soucieux de parler le beau langage politiquement correct. Les candidats aux concours administratifs peuvent aussi s’en imprégner, tout comme ceux qui se préparent à un entretien d’embauche auprès de la DRH (Direction des ressources humaines, sic) d’un grand groupe.
Quant aux élèves journalistes ou aux hommes et femmes de médias, il sera prudent pour eux de placer ce dictionnaire sur leur table de travail car leur métier n’est pas de décrire le vrai mais de recommander le bien. Et la fonction de la novlangue est double : empêcher de percevoir la réalité, rendre impossible toute pensée déviante.
Un bon journaliste doit donc utiliser les mots marqueurs pour souligner son allégeance au Système ; bannir de son vocabulaire les mots tabous qui pourraient exprimer une manière de penser qui n’a pas lieu d’être (patrie, peuple, décadence, ennemi, famille, frontières, guerre). Un bon journaliste doit user et abuser des mots sidérants tels que ringard, raciste, antisémite, xénophobe, homophobe, transphobe et, bien sûr, dénoncer les dérapages extrémistes des discours de haine. Le bon journaliste doit recourir sans modération aux mots trompeurs tels que République, valeurs républicaines, citoyen, quartier sensible, homoparentalité, incivilités, intégration. Le bon journaliste emploie avec ferveur les mots subliminaux comme humanitaire (pour préparer l’opinion à une opération politique ou une action de gendarmerie internationale), philanthrope (plus sympathique que milliardaire affairiste), pactiser (s’entendre avec des forces du mal), ou controversé et contesté (pour disqualifier des opinions malséantes). Enfin, le bon journaliste tentera de se hisser au niveau linguistique de la superclasse mondiale en reprenant les mots marqueurs des grandes compagnies d’affaires et des multinationales tels que partage, partenaire, gouvernance, pragmatisme, porteur de projet, principe de précaution, éco-responsable.
Et surtout respectons le Padamalgame et pratiquons le bien vivre ensemble !
Heureusement, les esprits libres peuvent aussi utiliser ce dictionnaire de manière subversive, comme un décodeur, un moyen de redécouvrir la réalité derrière l’enfumage linguistique. Ce Dictionnaire de novlangue est d’abord un moyen de cultiver la dissidence.
Mise en garde des auteurs !
Attention toutefois ! Selon George Orwell dans 1984, le but de la novlangue est d’obliger les gens à penser conformément à la ligne du parti au pouvoir. Aujourd’hui, par-delà la cosmétique d’un pluralisme de façade, la ligne du pouvoir c’est le politiquement correct. Lire ce dictionnaire est un bon moyen d’y échapper – échapper à tous risques, et notamment au risque le plus grave en régime totalitaire : avoir des opinions déviantes, autrement dit commettre le crime par la pensée.