(…) Une histoire bête comme chou, qui, loin de nous laisser en rang d’oignons dans le froid sibérien, nous replonge dans la terre de nos potagers. L’assonance avec le mot «poireau» dans le verbe «poireauter» n’a en effet rien d’anodin. C’est à lui que l’on doit notre métamorphose en légume chaque jour que nous perdons du temps à attendre. Dérivée de l’ancien substantif por «poireau», du latin porrum, la plante de nos marchés s’est d’abord employée au XVIIe siècle sous la forme «porreau» avant d’être déformée par le parler parisien.
C’est en effet aux habitants de la capitale que l’on doit l’altération du mot «porreau» en «poireau». Une transformation sûrement due, indique le Trésor de la langue française, à une influence du terme «poire». Ne croyons pas toutefois que les Parisiens prirent leurs concitoyens pour de bonnes poires. Certains d’entre eux ont d’ailleurs décidé de la couper en deux et d’employer à la fois le mot poireau et son ancêtre… Après tout, chacun s’occupe de ses oignons! Et pas seulement en cuisine!
Loin d’avoir toujours désigné la «plante potagère, à feuilles longues, de la famille des Liliacées», le poireau qualifia également, dans le langage populaire, «une verrue», «un sergent de ville en station», et même… le membre viril masculin. Le légume passa en effet à la casserole dans de multiples images, dont les locutions «se chatouiller le poireau» et «souffler dans le poireau». Est-ce dans ce vocabulaire érotique qu’il faut trouver la naissance de notre verbe? Sûrement pas!
Le verbe «poireauter», d’abord apparu sous la forme «planter son poireau» (XIXe siècle), signifie «attendre longuement», ainsi que le note Georges Planelles dans son livre Les 1001 expressions préférées des Français. Le verbe est la réunion de deux images: celle du poireau, planté dans la terre et celle de la locution «rester planté», qui signifie «rester immobile». Pas de loup donc, là-dessous.