https://www.youtube.com/watch?v=shPPACJVlxg
Peggy Guggenheim, la collectionneuse est un documentaire qui s’adresse avant tout au public curieux de l’Histoire de l’Art du XXème siècle, et particulièrement des années 1920 à 1960. Il peut intéresser plus largement les amateurs d’Histoire à travers le portrait, pour le moins très complaisant, d’une célèbre mécène. Elle est issue, par son père et sa mère, de très riches familles juives des Etats-Unis. Elle a perdu son père dans le naufrage du Titanic. Sa famille a compris de nombreux excentriques, est-il détaillé en une introduction amusante. En fait, Peggy Guggenheim n’était pas si riche, et même relativement pauvre comparée à ses oncles et cousins. Si elle a pu acheter massivement à Paris, puis Londres et enfin New-York des années 1920 à 1940 des peintres dont les cotes atteignent aujourd’hui des sommets, de Braque ou Picasso (pour les plus connus) à Pollock, c’est qu’ils étaient à cette époque souvent très peu chers. La crise des années 1930 a même particulièrement frappé les cotes de l’avant-garde des années 1910-1920, déjà datée par la force des choses, dont le cubisme. Ainsi, Peggy Guggenheim a probablement réalisé d’excellentes affaires à terme…Quand elle clame avoir dilapidé sa « maigre » fortune par pur amour de l’Art et des artistes, elle se garde bien de donner trop de précisions…
Peggy Guggenheim, la collectionneuse : intéressant historiquement, mais à voir avec l’esprit le plus critique
Le documentaire, qui organise sous forme de film un entretien de la fin des années 1970, en reste malheureusement, et c’est sa grande faiblesse, à la surface des choses. Aucune question, aucun commentaire critique ne viennent perturber la construction de sa propre légende par Peggy Guggenheim elle-même. Faut-il toujours la croire ? Elle se vante d’avoir toujours connu bibliquement tous ses artistes, sauf Pollock – trop ivre -, d’avoir donc cumulé des centaines d’amants, et subi une dizaine d’avortements ; et ce sans le moindre remords, au contraire. C’est tout de même d’un goût douteux et moralement gênant. En outre, de façon peu surprenante, elle avoue ne pas avoir du tout élevé son fils et fort mal sa fille, instable et suicidaire à l’âge adulte. Elle a aimé ses enfants à sa manière, nul doute, mais elle a été gravement négligente dans ses devoirs maternels. Mais il est certain qu’elle a fait preuve d’un génie publicitaire constant, en s’imposant au cœur de la chronique artistico-mondaine des années 1920 à 1960, de Paris à Venise.
Enfin, il n’est pas du tout certain qu’elle ait rendu service à l’Art, sinon l’humanité, en lançant la peinture contemporaine, y compris, voire surtout, dans les années 1940-50, la peinture abstraite jusque-là confidentielle. Peggy Guggenheim, la collectionneuse reste toujours intéressant historiquement, mais ce film hagiographique, pour un personnage certes de premier plan mais fort discutable, est à voir avec l’esprit le plus critique.