Il a passé son enfance et son adolescence dans la « ZUP » de la Madeleine, le quartier sensible, symbole d’une rénovation urbaine révolue à Évreux (Eure). « Alexandre » Benalla, 26 ans, en charge de la protection très rapprochée d’Emmanuel Macron est né en septembre 1991 dans cette ville, une arrière-cour de la banlieue parisienne.
Originaire du Maroc, lui qui aurait modifié son prénom pour le franciser, n’a pas laissé le souvenir du solide gaillard aux épaules larges qu’on lui connaît après les images de l’agression commise sur un manifestant le 1er mai dernier à Paris sur la place de la Contrescarpe.
« Il était plutôt fluet et mince. Presque trop discret. Mais à la réflexion, il se rêvait toujours en garde du corps. Il était fasciné par le film Bodyguard avec Kevin Costner et Whitney Houston. Et pour s’entraîner, il levait de la fonte comme un damné », se souvient cet ancien régisseur d’une salle de sport à Évreux. Très vite celui qui se fait déjà appeler « Ben » marche dans les traces de la politique à Évreux.
Sa famille milite au PS local et lui, dès 2010, entre au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) à 19 ans. Dans ce département rural et industriel, il choisit de mettre sa carrure au service des personnalités locales. « Il faisait de la protection haut de gamme pour des gens qui estimaient en avoir besoin », rapporte Marc-Antoine Jamet, le maire socialiste de Val-de-Reuil dans Paris-Normandie.
« Il rêvait d’être indispensable aux stars »
Cette carrure imposante, « Ben » l’a acquise au rugby à l’adolescence après avoir changé plusieurs fois d’établissements. D’abord au collège Foch de L’Aigle dans l’Orne entre 2001 et 2005, il acquiert une réputation de bagarreur violent, selon un ancien élève.
Il finit sa terminale au lycée Augustin-de-Fresnel à Bernay (Eure) en 2009 où il « explose au rugby » selon un de ses compagnons de bancs toujours joueur. « C’était surtout pour s’imposer aux autres et auprès des filles. Il rêvait d’être indispensable aux stars », assure-t-il.
Il sera même quelques jours le garde du corps du couple Guillaume Canet Marion Cotillard lors du festival de cinéma de Deauville, selon le journal L’Éveil Normand.
Mais « Ben » est ambitieux. « Il avait de l’ambition trop sans doute… Mais il lui manquait un peu d’éducation. Sans lui faire injure, il était lourdaud mais côté physique il en imposait. Même trop. C’était le robocop de l’équipe. Il fallait parfois le retenir », se souvient un réserviste qui a fait sa préparation militaire gendarmerie (PMG) avec lui. Une formation accélérée d’une centaine d’heures qui permet à des civils d’endosser l’uniforme dans la réserve opérationnelle.
Il devient gendarme adjoint de réserve militaire du rang avant d’obtenir le grade de brigadier-chef et a pour responsable un certain Sébastien Lecornu, lieutenant de réserve de la gendarmerie et maire de Vernon (Eure), devenu depuis secrétaire d’État à la Transition écologique. Contacté, celui qui était le chef de peloton de « Ben » n’a pas répondu à nos sollicitations.
« Il ne cachait rien de ses ambitions. Il voulait briller. Il était attiré par le milieu politique, car il savait qu’il pouvait en tirer profit. Moi au bout de 8 ans, je suis toujours simple gendarme… », critique cet ancien qui a côtoyé Alexandre Benalla et qui juge « immorale » cette promotion « au grade de lieutenant-colonel ».
Dans un communiqué interne, la gendarmerie indique qu’Alexandre Benalla « n’a plus été employé dans la réserve opérationnelle depuis 2015 et radié en 2017 à sa demande ». Curieusement, il a été intégré comme « spécialiste expert » de la gendarmerie et son grade de lieutenant-colonel lui a été été attribué en raison de son « niveau d’expertise ».
Une promotion vertigineuse dans la gendarmerie permise grâce à l’Élysée
Une promotion qui « ulcère » dans les rangs de la gendarmerie. C’est sur proposition de l’Élysée que le brigadier-chef de réserve a en effet été nommé en 2017 lieutenant-colonel de la réserve opérationnelle, la plus prestigieuse, au titre « de la sécurité des installations » sans aucune référence militaire ou universitaire reconnue ou même professionnelle. Une promotion vertigineuse surtout pour son âge.
« Une hérésie. Nous on passe les concours de Saint-Cyr, d’autres l’École militaire inter-armes, ou de Polytechnique ! Au mieux on peut être colonel à 40 ans à quelques exceptions si on a réussi encore le concours de l’École de guerre. C’est plutôt vers 43/44 ans pour la plupart », s’étonne un patron de groupement de gendarmerie.