En pleines vacances, Renaud Camus et Karim Ouchikh ont lancé une pétition alertant les Français sur la situation migratoire à Paris, et plus largement dans tout le pays. Une bonne raison pour rencontrer le président du Siel, et faire le point avec lui de la situation…
Marine Le Pen s’est enfermée dans une stratégie sectaire, en négligeant l’électorat de droite
Riposte Laïque : Nous vous avions interviewé le 26 février dernier, où vous aviez expliqué les raisons pour lesquelles le Siel, que vous présidez, soutiendrait Marine Le Pen, à la présidentielle, considérant qu’elle représentait une opportunité historique.
Depuis, il s’est passé bien des choses : qualification de Marine au 2e tour, ralliement de Nicolas Dupont-Aignan, débat raté de Marine contre Macron, retrait de Marion, campagne des législatives avec une abstention massive, 8 élus FN au 2e tour, et les deux premiers mois de Macron au pouvoir. Quel est votre regard, cinq mois après cet entretien, sur tous ces événements ?
Karim Ouchikh : Mon intuition s’est pleinement vérifiée. Voici plus d’un an, le 6 février 2016 exactement, lors du séminaire du FN à Etioles, j’avais indiqué à Marine Le Pen et aux cadres du FN réunis à cette occasion pour préparer la stratégie présidentielle de la chef de file frontiste, que la victoire lui serait possible à trois conditions :
– qu’elle revienne d’abord aux ‘’fondamentaux’’ du FN (sécurité, immigration, islam),
– qu’elle ajuste ensuite son discours vers la droite, en y intégrant des marqueurs identifiés à ce courant de pensée (famille, questions bioéthiques, racines chrétiennes de la France, liberté des entreprises…) pour séduire un électorat tenté de la rejoindre,
– et qu’elle accepte enfin, sincèrement, une alliance équilibrée avec un ou plusieurs partis de droite pour donner une réelle crédibilité à son ouverture à droite mais aussi pour structurer à son avantage l’espace politique qui sépare LR du FN afin d’élargir sa base électorale et ainsi mieux lui ‘’garantir’’ une réserve de voix pour l’entre-deux tours.
Elle a rejeté sans ménagement cette stratégie d’avenir, préférant conservant sa ligne du Ni droite/Ni gauche (en fait Ni droite/Ni droite !) et en s’enfermant dans des certitudes qui inquiétaient nos compatriotes (sortie de l’euro et de l’UE, économie administrée…), sans s’apercevoir que l’émergence d’un Jean-Luc Mélenchon, – déterminé à enrayer la fuite des électeurs patriotes de gauche vers le FN -, allait lui assécher sa dynamique présidentielle de ce côté-ci de l’échiquier politique.
Bilan : faute de s’être allié suffisamment tôt avec un partenaire de droite, elle s’est retrouvée dépourvue du moindre allié, avant le premier tour comme dans l’entre-deux tours ; et ce n’est pas l’accord électoral tardif avec Nicolas Dupont-Aignan, conclu au lendemain du premier tour sans grand enthousiasme au sein de l’appareil de DLF, qui aura permis de déjouer cette erreur stratégique majeure. Un véritable gâchis !
Au lendemain de la double défaite électorale, marquée par l’accident médiatique du débat de l’entre-deux tours, qui hypothéquera durablement la crédibilité politique de Marine Le Pen, le FN entre dans une période d’incertitude caractérisée par de sombres rivalités de personnes et de profonds déchirements idéologiques.
Marine Le Pen moissonne électoralement grâce à l’héritage politique de son père et non à l’apport idéologique de Philippot
Riposte Laïque : Vous n’avez jamais caché les profondes divergences qui vous opposaient à la ligne Marine-Philippot, amenant le Siel a quitter le RBM. Vous privilégiez à l’époque, avec Robert Ménard, ce que vous appeliez une Union des Droites. Pensez-vous réellement que cette stratégie aurait permis à Marine de gagner la présidentielle, et ne pensez-vous pas que c’est plutôt grâce à la ligne Marine-Philippot que le FN a dépassé, pour la première fois de son histoire, les 10 millions d’électeurs ?
Karim Ouchikh : J’ai dit plus haut en quoi le rapprochement du FN avec les droites de convictions était une stratégie politique gagnante à mes yeux ; elle l’était d’autant plus que la politique de séduction en direction de la gauche, – imprimée ces dernières années par Marine Le Pen avec le concours de Florian Philippot, avec un succès manifeste -, avait largement épuisé ses effets du fait précisément de la montée en puissance concomitante d’un Jean-Luc Mélenchon qui a joué en quelque sorte le rôle de digue électorale.
S’agissant de l’apport supposé de Florian Philippot à la dynamique électorale enregistrée par le FN ces dernières années, tordons ici le cou aux idées reçues ! L’essentiel des 10 millions d’électeurs ayant voté pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle ont fait ce choix, non pas en raison de l’inflexion chevènementiste de la ligne politique du néo-FN du tandem Le Pen/Philippot, mais en pensant sincèrement que la chef de file frontiste serait le seul candidat à pouvoir faire réellement barrage au chaos migratoire et à l’islamisation de la France.
Le malentendu historique entre l’électorat du FN et la ligne politique imposée (sans légitimité militante) par un quarteron de dignitaires frontistes autour de Marine Le Pen, est bien là ! Si je ne méconnais pas les talents personnels de Florian Philippot, qui a apporté une rigueur de travail certaine et une capacité d’organisation et d’expression médiatique qui manquaient à coup sûr au FN, je ne mets aucunement à son crédit l’essor électoral recueilli ces dernières années dans les urnes par le parti frontiste. On en revient donc toujours, outre les qualités de ‘’chef de meute’’ de Marine le Pen, aux ‘’fondamentaux’’ politiques du FN qui continuent à séduire plus que jamais nos compatriotes, y compris et surtout ceux venant de la gauche, ces derniers étant confrontés plus que tous les autres aux réalités quotidiennes du ‘’vivre-ensemble’’… Qu’elle le veuille ou non, Marine Le Pen moissonne électoralement grâce à l’héritage politique de son père et non à l’apport idéologique de Philippot.
Riposte Laïque : Marine paraît avoir dit que tout devait changer au FN, le fonctionnement, le nom, les objectifs. Vous en pensez quoi ?
Karim Ouchikh : Le FN a moins besoin d’une clarification de sa ligne politique et d’un fonctionnement interne plus démocratique que d’un ravalement de façade qui serait purement cosmétique. Autrement dit, si le changement de nom ou l’abandon de marqueurs symboliques (la flamme frontiste, la fête de Jeanne d’Arc…) devaient servir de paravent au maintien d’une ligne politique rigide qui a fait pourtant la preuve de son échec dans les urnes ou d’un flou qui serait entretenu sur la pérennité de celle-ci, nous serions alors en présence d’une vaste opération ‘’d’enfumage’’ dont la direction nationale du FN aurait à répondre lors de son prochain congrès annoncée pour mars 2018. Je veux croire toutefois que la célèbre phrase du comte de Lampedusa n’agite en rien l’esprit de certains responsables à Nanterre : ‘’Il faut que tout change pour que rien ne change’’…
Riposte Laïque : Parlons à présent des premières semaines du nouveau président, Emmanuel Macron. Votre regard ?
Karim Ouchikh : Macron fut le candidat de La City, de la Commission de Bruxelles, de l’UOIF et du Planning familial, bref l’incarnation parfaite du modèle libéral-libertaire qui fait tant de ravages partout dans le monde. Les semaines passent et alors que le chef de l’Etat tente de remplir sa feuille de route en surjouant de son image, l’on perçoit déjà les limites d’une personnalité qui a tout misé sur sa jeunesse, le couple atypique qu’il forme avec son épouse et sa communication passablement aseptisée : nos compatriotes vont s’apercevoir très vite, dans le sillage de nos forces armées, à quel point ce personnage télégénique est certes artificiel mais aussi et surtout calculateur et autoritaire ; en somme, Macron ne renouvellera en rien les pratiques anciennes de la vie politique qui lassent tant les Français, ce pourquoi il avait été élu au fond. Pire ! il risque surtout, par maladresse et immaturité, de crisper davantage la société française…
Riposte Laïque : Avec Renaud Camus, vous venez de lancer une pétition, sur la situation migratoire à Paris, notamment. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Karim Ouchikh : Ces dernières années, nous assistons, impuissants, à un chaos migratoire inédit qui change radicalement les équilibres ethnico-culturels de notre continent, sans que les pouvoirs publics ne réagissent aucunement si ce n’est pour s’accommoder de ce phénomène anxiogène, voire même pour en amplifier délibérément les effets dévastateurs. Je considère que ce phénomène prospère en Europe parce que les opinons publiques sont insuffisamment informées de sa gravité actuelle et de ses conséquences considérables à venir : nous devons donc allumer partout les projecteurs médiatiques et politiques sur une situation dramatique que nos gouvernants cherchent à étouffer, notamment par leur politique de répartition autoritaire des migrants, par petits groupes, dans les villes et villages de France.
Telle est l’ambition de cette pétition lancée avec l’excellent Renaud Camus, si prophétique sur ces sujets existentiels : le phénomène migratoire étant européen et les solutions pour y remédier ne pouvant être conçues qu’à l’échelle du continent, nous avons souhaité nous adresser à l’ensemble des opinons publiques des pays de l’UE (cette pétition sera traduite dans toutes les langues de l’UE d’ici la fin du mois de juillet), de la Lituanie à l’Espagne, de l’Irlande à la Bulgarie, en passant par la Hongrie ou la Pologne, afin de créer, avec cette pétition, un électrochoc continental et d’en saisir le moment venu les autorités de l’Union Européenne.
Cette action de mobilisation des esprits a pour objectif aussi d’ouvrir la voie à d’autres types de manifestations, en France et en Europe, sur lesquels nous aurons très certainement l’occasion de revenir dans ces colonnes…
Propos recueillis par Pierre Cassen – Riposte laïque