Panique et incompréhension à la mairie de Nice. Mercredi à 11 heures, la sous-direction antiterroriste (SDAT) a envoyé aux agents qui gèrent la vidéosurveillance de la ville une réquisition citant les articles 53 et L706-24 du code de procédure pénale et de l’article R642-1 du Code pénal leur demandant l’effacement «complet» de 24 heures d’images provenant de six caméras nommées et numérotées, mais aussi de toutes les scènes depuis le début de l’attentat ayant eu lieu sur la promenade des Anglais, dans la nuit du 14 juillet, jusqu’au 15 juillet 18h. De quoi mettre en état de sidération les agents du centre de supervision urbain de Nice. «C’est la première fois que l’on nous demande de détruire des preuves, précise une source proche du dossier. Le centre de vidéosurveillance et la ville de Nice pourraient être poursuivis pour cela et d’ailleurs, les agents en charge du dispositif n’ont pas compétence pour se livrer à de telles opérations».
La demande paraît d’autant plus étonnante que la SDAT a envoyé depuis vendredi dernier des serveurs afin de récupérer les 30.000 heures de vidéosurveillance liées aux événements. Une opération de sauvegarde qui va s’étendre encore sur plusieurs jours. «Nous ne savons pas si donner un ordre de destruction alors que nous sommes en pleine sauvegarde ne va pas mettre en rideau tout le système», s’inquiète-t-on dans l’entourage du dossier.
Contacté par Le Figaro, le parquet de Paris a confirmé l’information et précisé: «cela a été fait dans ce cas précis pour éviter la diffusion non contrôlée et non maîtrisée de ces images». Du côté de la police nationale, on rappelle que «sur les mille caméras installées à Nice, 140 présentaient des éléments d’enquête intéressants. La police judiciaire a récupéré 100% des vidéos de ces dernières. La PJ et le parquet ont donc demandé d’effacer les images de ces 140 caméras afin d’éviter l’utilisation malveillante de ces dernières par souci de la dignité des victimes et pour éviter la reprise de ces images par les sites internet djihadistes à des fins de propagande». Enfin, à la chancellerie, on précise que la demande d’un effacement «complet» s’explique par l’impossibilité de procéder à des destructions partielles sur ce type de matériel.
Le lendemain du drame tragique de la promenade des Anglais, des officiers de police judiciaire étaient venus faire une première recension des caméras en prise directe avec l’événement. Cela a donné lieu à un premier rapport envoyé au ministère de l’Intérieur. Étrangement, ce serait ces mêmes caméras qui sont visées par la réquisition de la SDAT.
Dès samedi, l’Élysée avait demandé copie des images de l’attentat. Une autorisation accordée par le parquet de Paris. «Ce n’est pas choquant que le président de la République ait voulu visionner l’attentat. Faudra-t-il demander à l’Élysée de restituer le CD qui lui est parvenu?», s’interroge un bon connaisseur du dossier. En tout état de cause, ces vidéos sont partagées par plusieurs services concomitamment à savoir ceux de la Police et de la gendarmerie nationales, de la police judiciaire et des pompiers.
En mairie, alors que la polémique fait rage sur les “mensonges d’Etat” dénoncés par Christian Estrosi sur le dispositif de sécurisation de la Prom’Party, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur un tel “empressement”.
Ces images sont en effet automatiquement détruites au bout de 10 jours même si la loi permet de les conserver durant près d’un mois.
Du coup l’avocat de la municipalité, Me Philippe Blanchetier annonce que, non seulement la Ville ne va déférer à l’injonction qu’elle a reçue, mais qu’en plus elle s’apprête à demander au procureur de la République de Nice de mettre sous séquestre ces images “afin de ne pas hypothéquer les éventuelles autres procédures qui pourraient voir le jour au-delà de l’enquête antiterroriste en cours”.
Source Nice Matin