François CHALAIS s’entretient avec Paul MEURISSE (qui fume) debout dans son salon bibliothèque : ils parlent d’abord de sa réputation de personnage mystérieux que Paul MEURISSE n’a pas voulu tout d’abord et qu’il entretient finalement parce qu’elle préserve sa tranquillité. Il n’aurait pas pu de toute façon être exhibitionniste, comme le sont d’autres acteurs (qu’il ne nomme pas).
Ses souvenirs professionnels ont commencé bien avant qu’il débute sa carrière, quand vers l’âge de 8 ans (dans les années 20-21), il allait au cinéma voir les films muets interprétés par Douglas Fairbanks (père) et Rudolph Valentino qui étaient pour lui des personnages de rêve. Quand il a eu 16 ans, le cinéma parlant, en rendant les acteurs beaucoup plus réels a été une déception pour lui : le mythe s’est effondré, ces personnages intouchables ont perdu leur magie. Il a eu la chance d’avoir l’amitié d’Erich Von Stroheim, le dernier à ses yeux des monstres sacrés de cette époque et son amitié était empreinte de crainte. La nouvelle génération de metteurs en scène (Clouzot, Carné, Autant-Lara) n’ont plus voulu trembler devant eux, sont devenus réalisateurs et ont éteint ces monstres. Paul MEURISSE parle ensuite de “La Vérité” qu’il a tourné avec Clouzot et de ses rapports avec celui-ci (courtois malgré leurs conceptions différentes). Clouzot a dit de lui qu’il n’avait pas compris son personnage, mais Paul MEURISSE a eu le soutien de la critique et du public. Finalement, ils s’estiment réciproquement.
Sur le plan esthétique, il reproche au cinéma français d’avoir sombré dans un réalisme absolu, au détriment de toute poésie (sauf René Clair). Clouzot lui reprochait de ne pas jouer de manière assez réaliste et il raconte une anecdote à ce sujet pour montrer qu’il n’y a pas de réalisme possible au cinéma.
L’entretien se termine sur ses rapports avec le cinéma qui “l’a foutu à la porte” : 11 ou 12 ans auparavant, il a beaucoup tourné, aimant cette vie facile et agréable, il s’est laissé griser, tournant même parfois sans avoir lu le scénario du film. Puis le cinéma l’a complétement laissé tomber et il s’est alors tourné vers le théâtre, avec succès (il a rencontré Jean Anouilh). Aujourd’hui, le cinéma est pour lui une récréation, une récompense, et sachant qu’il n’a plus besoin de lui, c’est le cinéma qui maintenant lui court après. (1963)