Depuis le printemps dernier, la Fondation Lejeune a lancé une série de master class sur des sujets scientifiques. A la rentrée, débutera la master class Sciences et Ethique, des fondements à la pratique. Un important cycle de formation couvrant les principaux sujets liés à l’éthique, que nous détaille Aude Dugast, responsable du Centre de bioéthique Jérôme Lejeune.
— Expliquez-nous ce qu’est cette master class…
— C’est une formation d’expertise et personnalisée, pour un petit nombre d’étudiants en médecine, de médecins et de scientifiques qui souhaitent traiter de sujets de fond liés à la pratique biomédicale, en partant des fondamentaux jusqu’aux aspects pratiques. C’est un cycle exigeant de 54 heures de cours, qui peut procurer un certificat d’anthropologie. Nous ciblons prioritairement les jeunes médecins, les étudiants en médecine, les chercheurs, les scientifiques qui sont confrontés à des évolutions importantes au sein de leur métier. Ces évolutions les poussent aux frontières de questions morales très difficiles à évaluer et la master class Science et Ethique Jérôme Lejeune souhaite leur apporter les éléments anthropologiques et scientifiques nécessaires pour pouvoir pratiquer sereinement la médecine hippocratique qu’ils ont choisi d’exercer.
— Quels seront les sujets abordés ?
— Nous aborderons l’aspect anthropologique, avec une réflexion sur la dignité humaine, le corps, l’humain et la personne, l’acte moral en bioéthique et les fondements de la bioéthique, et toutes les problématiques liées aux développements scientifiques qui interviennent en médecine. Puisque la bioéthique ne se réduit pas au début et à la fin de vie, nous étudierons diagnostic prénatal ou pré-implantatoire, FIV à trois parents, chimères, eugénisme, fin de vie, critères de la mort et soins palliatifs, mais aussi des questions spécifiques comme la thérapie génique ou la thérapie germinale, les transplantations d’organe, CRISPR-CAS9, la chimie synthétique, le transhumanisme… Nous offrons aussi un module sur le handicap mental avec les recherches en cours, l’annonce du handicap et l’accueil de l’enfant différent. 54 heures de formation est à la fois beaucoup et peu, donc nous allons à l’essentiel avec des modules qui se complètent et se répondent. Les enseignements donnés seront enrichis des dernières publications scientifiques, afin de permettre aux étudiants de pousser leur réflexion jusqu’à des cas très pratiques.
— Comment le programme a-t-il été établi ?
— Nous avons étudié les cours qui sont donnés en médecine et observé que la formation technique est très poussée, mais que la formation éthique est succincte et essentiellement procédurale. L’idée est de combler ces lacunes en nourrissant la réflexion morale des étudiants. En quelque sorte, nous inviterons les étudiants à revisiter par la morale hippocratique l’enseignement technique de haut niveau qu’ils reçoivent en s’interrogeant : ce qui est techniquement possible est-il moralement bon ? Enfin, les professeurs ont été choisis pour leur grande expertise, parmi des enseignants d’université, des professeurs hospitaliers et divers experts des questions bioéthiques.
— Qu’est-ce qui a conduit la Fondation Lejeune à lancer cette mmaster class ? Est-ce à la demande des professionnels de santé ?
— Cette formation est le fruit de longues années de réflexion et d’un constat qui remonte au professeur Lejeune. Dans les années 90, il observait, désolé, l’effondrement moral de la médecine, et jugeait nécessaire, pour remédier à ce mouvement, la création d’un réseau de médecins et chercheurs, excellents professionnels et grands serviteurs de la vie. Aujourd’hui, nous constatons que beaucoup de patients n’ont plus confiance dans le corps médical, ce qui est dramatique. Nous avons aussi des demandes émanant de médecins, de sages-femmes, d’infirmiers soucieux de rester fidèles à l’éthique biomédicale hippocratique, qui ont besoin d’être éclairés sur les limites à ne pas franchir et d’avoir les arguments pour expliquer leur position. Cette master class Science et Ethique Jérôme Lejeune leur offre ces points d’appui anthropologiques, philosophiques, scientifiques et techniques.
— Existe-t-il aujourd’hui un souci bioéthique au sein du monde médical ? On peut se le demander au vu des « avancées » de la science ou encore des dernières lois bioéthiques qui semblent ne rien protéger.
— Nous avons fait exprès de ne pas appeler cette master-class « bioéthique » mais « science et éthique », parce que le mot est galvaudé bien souvent.
Les lois de bioéthique ne sont pas là pour rappeler une morale hippocratique mais pour encadrer une transgression progressive. On habitue les esprits à se poser des questions, on ouvre des boîtes de Pandore et l’on « prépare » progressivement les gens. C’est ce que l’on appelle la technique du « salami » : on fait admettre des choses tranche après tranche. L’interdit de tuer, qui est valable depuis au moins 2 400 ans avec le serment d’Hippocrate, est grignoté chaque fois un peu plus à chaque nouvelle loi de bioéthique depuis 25 ans. Cela pose un vrai problème.
Je ne voudrais cependant pas laisser penser que les médecins n’ont pas le désir de bien faire. Ils veulent le bien de leur patient. Mais la question est : quel est ce bien ? Aujourd’hui, la médecine n’a plus comme but absolu de garder le patient en bonne santé mais de le rendre heureux, ce qui est très différent et explique l’évolution de la médecine moderne. Elle vise le bien-être de son patient, elle s’arroge ce but et, ce faisant, se met une pression énorme : le handicap, la souffrance sont devenus des échecs pour le médecin qui ne parvient pas à les éradiquer. L’analyse ne porte donc pas sur les motivations du médecin mais sur ce qu’il discerne comme étant le bien de son patient. En parallèle, on a abandonné le fait que toute vie humaine a une valeur en soi, que le respect de la vie est un principe auquel on ne touche pas ; la vie (et la mort) est donc devenue une variable sur laquelle le médecin peut agir pour maintenir le patient dans le bien-être. Le bien-être est devenu la valeur absolue et la vie, la variable d’ajustement. C’est la raison pour laquelle trouver un médecin tout à fait respectueux de la vie, de son début à sa fin naturelle, est devenu très difficile. C’est pour tenter, même modestement, d’aider les serviteurs de la vie et de rassurer les patients, que cette formation nous est parue nécessaire.
Propos recueillis par Anne Isabeth – Présent
- Master-class Science et Ethique à partir du 3 octobre : trois mardis soirs par mois de 20 heures à 22 heures, ainsi que deux samedis dans l’année. Les cours seront donnés à la Fondation Lejeune, 37 rue des Volontaires, Paris XVe et par internet. Prix : 75 euros. Info : [email protected]