Par Jacques Trémollet de Villers
Ainsi, en cadeau fait aux Français de confession chrétienne pour l’ouverture de la semaine sainte, M. Manuel Valls a nommé, comme secrétaire d’Etat à la Famille, Mme Laurence Rossignol.
Le doigté et le tact de ce catalan à la pose quelque peu dictatoriale sont à la mesure de ce que nous attendions de lui. Il nous avait déjà dit, dans cette absence de style qui le caractérise, à propos de l’affaire Dieudonné : « La République, elle a gagné. » Là, il nous affirme, à nous les marcheurs du printemps français comme aux Veilleurs qui fêtent l’anniversaire de leur mobilisation que, vraiment, la famille, il s’en fout !
Je suis comme tous mes compatriotes. Je ne connais pas, personnellement, Mme Laurence Rossignol. La marque, d’ailleurs, de nos gouvernements, c’est d’être composé d’inconnus. A part François et Ségolène, un peu Fabius, pour une histoire de sang contaminé et aussi parce qu’il fut « le jeune Premier ministre dont j’ai fait cadeau à la France », notre sort est entre les mains de gens dont nous ne savons vraiment pas qui ils sont. Sans Emmanuel Ratier, saurions-nous quelque chose du Manuel de Matignon ?
Mais Rossignol ?
Avec un nom pareil, au printemps, on devrait se réjouir.
Pourtant, le peu d’informations que nous possédons c’est que la dame prône la théorie du genre et a déposé une proposition de loi dans le sens de l’égalité homme/femme… et qu’elle aurait déclaré : « Les enfants n’appartiennent pas à leurs parents » (vidéo) !
Le pathétique de notre situation politique, c’est l’immense divorce, l’incroyable rupture entre ces « dirigeants » et le peuple, le vrai, celui qui fait, aujourd’hui comme hier, le « saint royaume de France ».
Je ne parle pas seulement de l’élite consciente, et de mieux en mieux organisée, qui marche et manifeste en réunion de famille où on se compte par centaines de milliers ou par millions.
Je parle des quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent de la population qui rejettent François Hollande et, demain, rejetteront son Premier ministre.
Ces gens, qui sont de France ou qui vivent en France, vivent en famille.
Qu’ils soient mariés civilement, religieusement, ou simplement de vie commune, ils sont fils, filles, pères ou mères, et ils savent que si les enfants ne sont la propriété matérielle de personne, ils sont à la garde, à la charge, aux bons soins et à la protection de leurs parents… et de personne d’autre au monde, surtout pas de l’Etat. Qu’ils soient chrétiens, juifs, musulmans ou agnostiques, ils savent que « lorsque l’enfant paraît », c’est « le cercle de famille » qui « applaudit à grands cris… » et non pas un quelconque service décentralisé d’un secrétariat d’Etat du gouvernement de la République.
La réalité familiale n’est ni de droite ni de gauche, ni d’une religion ou d’une autre, encore moins d’une théorie, fût-elle du genre. Elle est, de nature. Comme telle, elle préexiste à tous les systèmes politiques et leur survivra lorsqu’ils auront disparu. Elle est la grande et seule continuité qui fait la nation, l’histoire, l’économie (« loi de la maison »), la civilisation, et pour le dire d’un mot, la vie.
Au fond, ce Manuel Valls n’est pas plus catalan qu’il n’est français. S’il était vraiment catalan, que ce soit d’un côté ou de l’autre des Pyrénées, il ne nommerait pas Laurence Rossignol à la Famille. La Catalogne, nation sœur de la nation provençale, celle qui nous envoya la Coupo Santo qui nous verse l’enthousiasme, est, comme toutes les nations du monde, une famille de familles. Aujourd’hui, dans un élan farouche de retour à son identité, elle a imposé sa langue face à la domination castillane et elle rêve, comme l’Ecosse à l’autre bout de l’Europe, de retrouver l’indépendance de la patrie.
Sur la coupe en argent ciselé que les catalans envoyèrent aux félibres de la Provence, étaient inscrits les vers de Victor Balaguer :
« morta duihen qu’es
« Mès jo la crech viva »
« On dit qu’elle est morte
« Mais je la crois vivante »
Il parlait de la Catalogne. Et il parfait en prophète.
Manuel sait-il qui est Victor Balaguer ? Pourquoi est-il absent à la renaissance de la nation qui l’a vu naître et dont il est le fils ?
Pourquoi a-t-il quitté sa patrie au moment où elle avait besoin de tous ses enfants ?
Parce que le parti et les loges lui ont donné l’occasion d’une autre carrière, ici, en France ?
Mais Manuel s’est trompé de maison et s’est trompé d’époque.
Les partis et les loges sont au bout de leur cursus historique. On peut tenir longtemps à coups d’esbroufe sur les droits de l’homme, l’égalité, la République, mais vient le moment où la réalité qui ne se joue pas de mots reprend ses droits.
Et la réalité chante toujours le même refrain. Elle dit famille, et puis elle dit patrie. Elle dit terre et elle dit maison. Avec Simone Weil, elle dit enracinement et respect, à l’opposé de « la désinvolture sadique des déshérités ». Elle dit nation et royaume. Et quand on la croit morte, au point qu’on n’en parle même plus, alors elle choisit ce moment pour faire éclater sa renaissance.
Au milieu de la semaine sainte, en Catalogne ou en Provence, en Corse ou en Bretagne, en Alsace ou dans le Limousin, en Aquitaine et en Flandre, bref, dans tout le saint royaume, ce qui pousse, avec la génération du printemps, l’éclatante lumière de Pâques, c’est la sainte victoire de la Vie.
Alors, Valls, Harlem, Rossignol, triste poussière d’une rengaine devenue insupportable, combien de temps encore faudra-t-il vous supporter ?