Au vol! A quand l’abolition des privilèges?

Actuellement, un élu battu à sa propre réélection perçoit une indemnité dite de « fin de mandat » pendant six mois après avoir quitté son poste. Cette indemnité sera, désormais, multipliée par deux !

Parce qu’en démocratie l’exercice du pouvoir, théoriquement tendu vers l’intérêt général, n’est jamais totalement déconnecté des intérêts particuliers, on comprend mieux pourquoi, dans le cadre de la loi portant statut de l’élu adoptée, ce 19 mars, à l’unanimité du Parlement, les soi-disant représentants du peuple se sont, au passage, octroyé un privilège supplémentaire.

Actuellement, un élu battu à sa propre réélection perçoit une indemnité dite de « fin de mandat » pendant six mois après avoir quitté son poste. Cette indemnité sera, désormais, multipliée par deux ! Les Français apprécieront que leurs députés, sénateurs, élus locaux se desserrent la ceinture, pendant que plus de 10 % de leurs électeurs sont frappés par le chômage, et que ceux qui travaillent ou, pour les plus téméraires d’entre eux, entreprennent, sont perclus de charges diverses, d’impôts confiscatoires et de cotisations écrasantes.
Et retentit déjà la funeste mélopée du « tous pourris », sur fond de danse macabre antiparlementaire. Comment empêcher nos compatriotes les plus exaspérés de se réfugier dans l’abstention, quand même le vote FN s’avère insuffisant ? « Un maire battu aux élections n’a pas le droit à Pôle emploi. Il s’agit que les élus n’aient pas moins de moyens que le reste de la population parce que ça peut freiner les ambitions de ceux qui voudraient s’engager », justifie hypocritement le député PS Philippe Doucet, rapporteur du texte.
Mais, précisément, nonobstant les réelles difficultés à trouver, ici, de nouveaux candidats, là, des binômes mixtes (un homme et une femme), combien sont ceux qui, jusqu’ici, sont parvenus à se faire élire, conscients des risques qu’ils prenaient professionnellement (voire familialement) et sachant qu’ils ne seraient guère payés (au sens propre comme au sens figuré) de retour ? La plupart de ces anonymes dévoués à la cité, soucieux, à leur humble niveau, de tenter d’améliorer le sort de leurs semblables, sont mus pas un esprit civique supérieur qui transcende la satisfaction mesquine et éphémère de percevoir le maigre pécule qui leur serait éventuellement alloué par la collectivité en compensation du temps passé pour icelle.
Mais il est vrai que plus l’on grimpe dans l’échelle élective, plus ces serviteurs désintéressés de la chose publique se transforment, pour certains, en sectateurs zélés et intéressés (à durer et perdurer) de cette exécrable coterie qu’on appelle l’oligarchie.
» […] la République est, dans sa somme, un gouvernement de familles. Quelques milliers de familles y occupent, par les assemblées et par les administrations, ce que l’on appelle les avenues du pouvoir. Elles forment ce que l’on peut aussi nommer l’axe de ce pouvoir. […] L’hérédité républicaine n’est pas un vain mot. Ni la noblesse républicaine. […] La prétendue égalité démocratique joue le simple rôle d’un mensonge attractif et perturbateur. » Chroniqueur de son temps, Charles Maurras n’en dégageait pas moins une loi d’observation générale et intemporelle.
Nihil novi sub sole, disaient aussi nos antiques.

Lu sur Boulevard Voltaire

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