Il existe des gens dont on ne guignerait la place pour rien au monde. Ceux chargés, par exemple, d’organiser les débats de la prochaine élection présidentielle. Avant, tout était à peu près simple : il y avait un débat entre les deux tours opposant les deux finalistes. Plus qu’une règle, une coutume, que seul Jacques Chirac ne respecta pas, avec Jean-Marie Le Pen, en mai 2002.
Quinze ans plus tard, ce n’est plus tout à fait la même affaire. « The Voice » est passée par là, ainsi que les primaires de la droite, de la gauche et du centre réunis, toutes peu ou prou à la recherche de « La Nouvelle Star ». Tout cela fait de l’audience ? Qu’à cela ne tienne : TF1 et France 2 sont déjà en piste pour organiser celle aux étoiles, remontant à notre prime jeunesse.
Plus facile à annoncer qu’à mettre en place, cependant. Un débat d’avant-premier tour avec tous les candidats en lice ? Délicat de mettre Marine Le Pen et Jacques Cheminade sur le même pied d’égalité. Les instituts de sondage se sont donc chargés de la présélection. Mais au nom de quoi et de qui ? Dans la Constitution de la Ve République – ou ce qu’il en reste –, tous les candidats sont censés être égaux devant le verdict du peuple ; même si, évidemment, certains seront plus égaux que d’autres, sachant qu’en 2017, un Emmanuel Macron ne joue pas exactement dans la même catégorie qu’un Marcel Barbu.
D’où maousse problème.
Réunir tous les impétrants sur le même plateau ? Le Zénith n’y suffirait pas. Il serait donc prévu de se contenter des cinq principaux – ou six, François Bayrou n’ayant pas encore rendu sa décision publique –, même si cela n’empêche vraisemblablement personne de dormir. Pour Marine Le Pen, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, tout semble aller façon valse, comme aurait dit Manuel.
C’est assez logique : ce sont les seuls à défendre des programmes à peu près cohérents (même si Mélenchon et Hamon font un peu doublon, électoralement parlant) et défendus par des troupes un tant soit peu en bon ordre de marche. Pour François Fillon, c’est déjà plus compliqué, même si le mari de Penelope se serait finalement laissé convaincre par son proche entourage, lequel estimerait qu’il serait pire de n’y pas aller que d’y aller.
Le cas d’Emmanuel Macron est, évidemment, plus ardu. Du peloton de tête, c’est le plus fragile. Qui peut faire encore illusion en meeting quand il joue au gendre idéal sous acides, mais qui pourrait bien passer pour cancre une fois confronté à de véritables contradicteurs ; bien la peine d’avoir épousé sa professeur de français. Selon son proche entourage, cité par L’Express : « Si c’est un format dans lequel on peut donner notre avis, notamment pour contrer Marine Le Pen sur des sujets de fond, on fera le débat. Mais si c’est juste pour faire de l’entertainement, il ne faut pas compter sur nous. »
Tiens donc, l’homme qui prétend révolutionner la France n’aurait donc pour seul objectif que de « contrer » Marine Le Pen, comme s’il n’avait pas d’autres devoirs de vacances à faire. Un brin vachard, Florian Philippot note : « Cela me paraît compliqué s’il manque un candidat qui est donné à 20 % dans les sondages… » Et, plus retors encore, ce proche de Benoît Hamon qui remarque, non sans raison : « Il est celui qui a le plus à perdre dans un débat… »
Alors, débat ou pas débat d’avant le premier tour, au risque de léser certains « petits candidats », sachant que Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou ont aussi le droit de vivre tout en défendant leurs idées respectives. Pour cela, avant 2017, il n’y avait justement pas de débat, juste ce bête truc qu’on appelait naguère « premier tour »…
En attendant ce prochain revival d’« Intervilles », « Lâchez les vachettes », comme aurait pu lancer Guy Lux à sa chère Simone.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire