Avec Michel Tournier, auteur de “Vendredi” et du “Roi des Aulnes”, c’est à la fois un auteur populaire et un romancier exigeant qui fait son entrée dans la Pléiade, la plus prestigieuse collection littéraire francophone.L’écrivain, prix Goncourt 1970, aurait dû être un des rares romanciers, à l’instar de Milan Kundera, Jean d’Ormesson ou Mario Vargas Llosa, à entrer de son vivant dans la Pléiade. La décision de “pléiadiser” Tournier avait été prise par Gallimard en 2014. La sortie du volume était programmée pour février 2016. La mort à 91 ans de Michel Tournier, en janvier 2016, a bouleversé cet agencement.
“Comme son maître Giono, il aura vu naître le projet d’une édition de ses romans dans la Bibliothèque de la Pléiade, et il aura, comme lui, disparu un an avant l’achèvement de ce travail”, déplore l’universitaire (et exécutrice testamentaire de Tournier), Arlette Bouloumié, qui a dirigé la publication de ce volume.
Certes, le sommaire de cette édition est bien celui établi avec Michel Tournier. Il privilégie “ses grands romans mythologiques, de plus en plus amples et ambitieux”, fait remarquer Arlette Bouloumié. On trouve dans le volume les six romans et récits ainsi que l’essai autobiographique “Le vent Paraclet” que l’écrivain avait voulu y voir figurer. Par rapport au projet initial, cette édition a bénéficié de l’apport inédit des manuscrits de l’ermite de Choisel, non disponibles de son vivant.
L’ouvrage s’ouvre avec le premier roman de Michel Tournier, “Vendredi ou les Limbes du Pacifique” (1967), réécriture du mythe de Robinson Crusoé, une oeuvre récompensée par le grand prix du roman de l’Académie française. Vient ensuite “Le roi des Aulnes” (1970), un roman traitant du mythe de l’ogre dans l’Europe nazie qui lui a valu le Goncourt.
La Pléiade a (heureusement) conservé “Vendredi ou la vie sauvage” (1971), le livre le plus lu de Michel Tournier, étudié dans quasiment toutes les écoles de France, vendu à plus de 7,5 millions d’exemplaires depuis sa parution et traduit dans 35 langues.
Ce roman “devait figurer dans la présente édition dans la mesure où le livre sort du cadre de la littérature dite de la jeunesse”, se justifie Arlette Bouloumié : “Bien qu’il ait été conçu pour les enfants, Tournier considérait que cette seconde version était plus aboutie que la première, qui en aurait été, pour ainsi dire, ‘le brouillon'”.
Les œuvres les plus récentes ne figurent pas dans le volume
Le volume contient également “Les Météores” (1975), qui traite du thème de la gémellité via le mythe de Castor et Pollux et demeure sans doute son roman le plus ambitieux, ainsi que “Gaspard, Melchior & Balthazar” (1980) que Tournier définissait comme “le roman du christianisme”.
On y trouve aussi l’ébauche de scénario “Gilles & Jeanne” (1983) qui met en scène Jeanne d’Arc et Gilles de Rais et l’essai “Le vent Paraclet” (1977) où Tournier livre les clés de l’écriture de ses principaux livres. “Cette autobiographie intellectuelle est fondamentale puisqu’elle éclaire les oeuvres antérieures par une réflexion sur leur genèse”, met en avant Arlette Bouloumié.
En revanche le volume ne contient pas les oeuvres les plus récentes de l’écrivain comme “La Goutte d’Or” (1986), un “conte philosophique” sur l’immigration, ni les nouvelles du “Coq de Bruyère” (1978) ou du “Médianioche amoureux” (1989).
“A partir du roman ‘La Goutte d’Or’, l’évolution de l’oeuvre vers les contes et nouvelles du ‘Médianioche amoureux’ a souvent surpris la critique”, regrette Arlette Bouloumié. “Si l’on a donc pu considérer cette évolution comme un appauvrissement de l’inspiration (…) on peut y voir cependant une recherche originale”, ajoute la spécialiste de l’oeuvre de Michel Tournier.
Né en 1924 à Paris, Michel Tournier, germaniste et philosophe, rate l’agrégation en 1950, ce qui lui ferme les portes de l’université. Il a fait des traductions, et travaillé à la radio avant de commencer à publier. Il a créé avec Lucien Clergue les Rencontres photographiques d’Arles en 1968. Il était devenu membre de l’Académie Goncourt en 1972.
Michel Tournier dans la Pléiade (“Romans suivi de Le Vent Paraclet”, 1824 pages) est vendu 66 euros jusqu’au 31 décembre, puis 73 euros ensuite.