Film de l’âge d’or du cinéma français, le chef-d’œuvre sans doute d’Yves Ciampi (qui était médecin), Un grand patron, sorti en 1951 (scénario de Pierre Véry ; musique de Joseph Kosma), fut un énorme succès public. Une forte histoire et un casting contribuèrent à ce succès : Pierre Fresnay, Renée Devillers, Roland Alexandre, Jean-Claude Pascal, Maurice Ronet, etc.
Grand chirurgien, patron d’un service à l’hôpital Bichat, le professeur Delage (Pierre Fresnay) suscite tout à la fois l’admiration, la crainte et la jalousie. Et d’abord parce qu’il a mis au point une révolutionnaire technique de greffe du rein que ses collègues lui envient. A la suite du décès d’une de ses patientes lors d’une opération, il est confronté à une crise personnelle et à des problèmes familiaux (dont la crise de vocation de son filleul dont il veut faire un médecin).
Un de nos fidèles lecteurs, lui-même médecin et qui m’a suggéré de parler de ce film dans ma rubrique, souligne que ledit film, considéré à l’époque comme une critique de la grande bourgeoisie, est intéressant en cela qu’il montre ce pour quoi se battaient la plupart de ces grands patrons de la médecine : 95 % de leur temps auprès des patients.
Il précise : « Pour ceux qui savent lire au second degré, ce film montre surtout ce qu’était le temps médical à l’époque, le véritable temps que les médecins, les internes, les infirmières consacraient aux malades pendant les visites, les consultations. (…) Il convient de le regarder avec l’œil d’aujourd’hui où, entre les réunions obligatoires et/ou facultatives mais imposées par l’Agence régionale de santé, la Haute Autorité de santé, aux établissements et à la médecine tout entière, l’obligation de tout tracer informatiquement avec aucun logiciel adapté, (…) la transformation de certaines pratiques imposées unilatéralement par de simples minorités soit-disant usagers de santé, nous ne réussissons à ce jour à ne passer que pratiquement 28 % de notre temps auprès de nos patients. Le reste étant donc consacré à la traçabilité, aux réunionites administrativo-techniques, etc. »
On l’a compris : grand film de genre à son époque, Un grand patron témoigne aujourd’hui de ce qu’était la médecine française et de ce qu’elle est hélas devenue…
Alain Sanders -Présent