Les pays du Nord de l’Europe amorcent depuis le début de l’année un tournant en ce qui concerne l’accueil des « migrants », jusque-là dogme intouchable. Eclairage avec Monica Papazu.
— Les viols de la Saint-Sylvestre en Allemagne ont-ils été dissimulés par les médias scandinaves comme ils l’ont été en Europe de l’Ouest ?
— Au Danemark, à la différence de l’Allemagne, on n’a pas dissimulé l’histoire des viols. Ce sont les médias allemands qui ont, en un premier temps, pudiquement détourné les yeux, de même que les forces de police qui ne sont pas intervenues pour défendre les victimes. Pourtant, juste après la révélation des agressions sexuelles en Allemagne, les médias scandinaves ont commencé à publier des histoires similaires qui s’étaient déroulées de temps en temps au Danemark et en Suède et qui, à cause de l’autocensure concertée des médias et de la police, étaient restées inconnues jusque-là. Tant qu’elles ont été relativement éparses, ces agressions ont pu être ignorées. C’est leur caractère organisé et massif qui les a rendues impossibles à dissimuler.
Dans les jours qui ont suivi, les commentaires n’ont pas manqué dans la presse, le plus courant étant celui qui met en avant, ce qui n’est pas faux en soi, la différence de mentalité entre les Européens (respect de la femme, voire « égalité des genres ») et les étrangers, surtout de confession musulmane. Cependant, réduites à une question de mentalité, les agressions apparaissent comme une sorte de dérapage, auquel on pourrait remédier par des méthodes éducatives. On assimile ainsi, comme dirait le philosophe Jean Brun, le mal à l’ignorance. Il suffirait alors d’enseigner le bien, d’éduquer les étrangers qui ont jusqu’ici été dépourvus de lumières. On passe ainsi « les yeux grands fermés » (pour rappeler le titre du livre de Michèle Tribalat) à côté du problème.
Ce n’est qu’incidemment que ces violences revêtent un caractère sexuel. Les viols sont une composante du comportement conquérant. Comme on le sait, les guerres, les offensives militaires s’accompagnent souvent de viols perpétrés sur les populations conquises. La conquête du territoire s’accompagne de la conquête des femmes. L’assujettissement des femmes n’est pas seulement le signe de la supériorité virile, de la victoire gagnée, du mépris pour les vaincus, dont il importe de saper davantage le moral, mais aussi celui d’une mainmise sur l’avenir, sur les nouvelles générations. Dans ce contexte, les femmes sont en premier lieu un instrument et un symbole. Pour indignés qu’ils soient, les commentaires auxquels j’ai fait allusion ne font qu’estomper la gravité du problème.
— La Suède, qui se décrivait comme « superpuissance humanitaire » (selon l’ex-Premier ministre conservateur Fredrik Reinfeld), envisage d’expulser 60 000 à 80 000 migrants. La Finlande annonce de son côté l’expulsion de 20 000 migrants. Les responsables politiques ont-ils touché du doigt une certaine réalité ?
— La réalité finit toujours par nous rattraper. Les idéologies ne peuvent se maintenir au pouvoir que pendant des périodes limitées, grâce à la terreur (que ce soit la terreur concrète du communisme ou la terreur intellectuelle de la bien-pensance occidentale) ainsi qu’aux appâts de l’utopie (le charme mensonger d’un avenir radieux ignorant tout de la condition humaine), mais elles laissent des traces mentales qui ne s’effacent que difficilement. L’idéologie immigrationniste a été, pendant très longtemps, assez forte pour bâillonner la réalité et interdire l’expression du mécontentement populaire. Avec l’afflux énorme de migrants l’année dernière, vrai défi pour l’Etat providence, la « superpuissance humanitaire » a été confrontée à une masse humaine qui occupe une place dans l’espace, qui doit être hébergée, nourrie, soignée. C’est la réalité brute qui a dissipé certains fantasmes idéologiques.
— On peut penser qu’un renvoi de migrants ne sera accepté ni par ces migrants, ni par un éventuel pays d’accueil… Doit-on croire que cette annonce n’est faite que pour calmer les Suédois et les Finlandais de souche aux prises avec une immigration folle, ou est-ce par crainte de la fameuse « montée de l’extrême droite » ?
— Les choses ne sont probablement pas si tranchées. Dans la lutte pour le pouvoir, il importe de tenir à l’écart son rival et de gagner la confiance des électeurs. Or, pour se maintenir au pouvoir, les partis de gouvernement sont bien obligés de prendre la réalité en considération afin d’empêcher la ruine complète de leur pays. Reste à voir si ces déclarations seront suivies ou non de mesures musclées.
— Le Danemark, de son côté, envisage de financer l’accueil des migrants en confisquant leurs propres biens. Là aussi, principe de réalité ?
— Il y a là une double réalité, économique et morale. En ce qui concerne l’économie, la présence des migrants met déjà en péril le bien-être de la nation (situation toujours plus précaire dans les maisons de retraite, dans les jardins d’enfants, crise du logement étudiant, réduction du personnel enseignant, misère des sans-logis indigènes, etc.).
A cela s’ajoute un impératif moral fondé sur le principe de responsabilité qui met les migrants sur un pied d’égalité avec les Danois. De même que les personnes qui sont au chômage ou qui sont incapables de gagner leur vie doivent, pour commencer, subvenir à leurs propres besoins (en vendant leur maison, leur voiture) avant que de percevoir des indemnités journalières, de même les migrants doivent, dans la mesure du possible, payer pour leur subsistance. Le terme de « confiscation » est assez malencontreux, car la confiscation renvoie généralement à l’idée d’infraction et de peine et peut, en l’occurrence, s’interpréter comme une punition infligée à des gens démunis. En réalité, on devrait plutôt parler de « contribution obligatoire aux dépenses d’hébergement ». Le principe de responsabilité personnelle, sans lequel il ne peut y avoir de conscience morale, est inhérent à la philosophie libérale : on est responsable de son choix et des conséquences de son choix. Il paraît que le parti libéral (Venstre) a, en ce moment de déroute des conceptions politiques classiques, retrouvé quelques-uns de ses repères fondamentaux. Ces mesures sont aussi une leçon de réalité pour les migrants en quête de l’El Dorado occidental.
— Les migrations de 2015 ont-elles sonné la fin de l’angélisme nordique et scandinave, et si oui l’ont-elles sonnée à temps ?
— Nous assistons en effet à un réveil à la réalité. La panique qui a gagné la classe dirigeante en Suède indique qu’elle a enfin pris conscience du danger, malgré ses habitudes mentales « humanitaires » qui peuvent, à tout moment, faire surface de nouveau. Les mesures restrictives actuelles peuvent seulement endiguer le danger, elles ne peuvent annuler les conséquences à long terme d’une politique immigrationniste désastreuse qui s’est étendue sur des décennies. Nous sommes encore loin d’un authentique réveil national. La lutte pour la survie de l’Europe requiert non seulement la fermeture des frontières et le rétablissement de la souveraineté territoriale, mais encore un retour aux valeurs nationales et chrétiennes. On ne défend que ce qu’on aime.
Propos recueillis par Samuel Martin pour Présent