La province d’Idleb est la dernière province que l’armée syrienne n’ait pas reprise. Elle avait été conquise par le Front al-Nosra il y a plusieurs années, puis a servi de réceptacle aux islamistes qui acceptaient de se rendre sur les différents fronts syriens.
C’est ainsi que plus de 50.000 hommes armés avec leurs familles se sont agglutinés dans cette zone de trois millions d’habitants, devenue un véritable chaudron islamiste.
Certains ont contesté cette stratégie russe consistant à négocier la fin plus rapide d’un combat en échange de la vie sauve, et surtout du transport sécurisé de plusieurs centaines d’islamistes à chaque fois. Ils se demandaient comment résoudre le problème d’Idleb par la suite. La question est, en effet, pertinente mais il faut reconnaître que cela a permis de purger la presque totalité du sol syrien des poches islamistes qui étaient multiples. De plus, de nombreuses vies de soldats syriens ont ainsi été économisées.
La donne a changé après l’invasion, par la Turquie, du nord de la Syrie afin d’empêcher les Kurdes de se tailler un territoire autonome trop important, en plus de celui sous contrôle américain. L’armée syrienne avait auparavant massé des troupes au sud d’Idleb et n’attendait plus que le feu vert russe, indispensable pour l’appui aérien, afin de lancer son offensive.
Mais les pays occidentaux, Américains en tête, avaient alors prévenu qu’ils interviendraient pour éviter une « catastrophe humanitaire » en cas d’offensive syrienne. Grandeur d’âme touchante, surtout après que les Américains ont rasé Raqqa, capitale de Daech, faisant des milliers de morts civils. Mais quand c’est le camp du bien qui bombarde, on appelle cela des « dégâts collatéraux »…
Erdoğan, peu désireux de voir l’armée syrienne reconquérir Idleb, a alors proposé à Poutine de prendre le contrôle de la zone avec ses 50.000 miliciens issus d’anciens groupes djihadistes passés sous contrôle turc. De plus, il ferait reculer l’ensemble des groupes islamistes de dix kilomètres à l’intérieur de la zone, permettant de faire cesser les bombardements, notamment sur Alep. L’installation de postes d’observation turcs et russes était, en même temps, décidée pour éviter toute déflagration imprévue.
Poutine avait accepté afin de supprimer tout prétexte aux Occidentaux pour intervenir.
Mais HTS (Hayat Tahrir al-Sham), le nouveau nom d’Al-Nosra, n’a jamais tenu compte de cet accord. Pire : ses combattants viennent de déloger, sans trop de mal finalement, les hommes d’Ankara de leur zone.
De ce fait, HTS contrôle maintenant la quasi-totalité de la province, où la charia s’applique, bien sûr. Cette situation, humiliante pour Erdoğan, qui a montré son incapacité à contenir les islamistes, ne saurait durer.
Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, l’a confirmé en conférence de presse le 18 janvier : « Il est impossible de maintenir indéfiniment ce dernier foyer de terrorisme sur le territoire syrien. »
Les choses vont bientôt bouger à Idleb.
Antoine de Lacoste – Boulevard Voltaire