Histoire mondiale de la France, un ouvrage collaboratif, vient de paraître. Une histoire de France de longue, très longue durée. Une chronologie détournée et déconstruite. Une arme de gros calibre au service de l’historiquement correct.
L’histoire, c’est la guerre. Non seulement l’histoire de la guerre, mais la guerre de l’histoire. Qui tient le passé domine le présent et maîtrise l’avenir. Les rois avaient leurs historiographes ; la République de Ferry et de Lavisse a forgé son «roman national» ; Staline effaçait ses anciens adversaires déchus des photos de la Révolution russe. Depuis les années 1970, notre Éducation nationale a entrepris la déconstruction de notre «roman national», la fin de l’histoire-bataille, le mépris des chronologies et des «grands hommes», au nom d’une interprétation abusive de l’École des Annales.
[…] Dès la première date, la messe est dite: l’histoire de France commence… avant l’histoire de France. 34.000 ans avant J.-C.! Dans la grotte Chauvet, au temps de l’homme de Cro-Magnon. «Pour neutraliser la question des origines», avoue sans barguigner Boucheron. Une «France d’avant la France (qui) se dissout dans les prémices d’une humanité métisse et migrante».
Nos «historiennes et historiens» donnent ainsi corps au fameux slogan antiraciste des années 1980: «Nous sommes tous des immigrés». Tous des migrants. Tous des nomades. Pas de races, pas d’ethnies, pas de peuple. La preuve par le vide. On ne devrait pas s’arrêter là: avant l’homme de Cro-Magnon, il y avait nos amis les dinosaures ; et puis encore avant les poissons. Chérissons nos ancêtres les poissons!
En près de 800 pages et 146 dates, on ne déviera pas de la ligne du parti: tout ce qui vient de l’étranger est bon. Les invasions barbares sont des «migrations germaniques» ; la défaite des Gaulois leur permit d’entrer dans la mondialisation romaine ; les conquérants arabes étaient bien plus brillants que les minables défenseurs carolingiens ; les martyrs chrétiens de Lyon venaient d’ailleurs et saint Martin était hongrois. Les théologiens chrétiens doivent tout au grand talmudiste Rachi ; «l’honteux traité de Troyes» de 1420 (qui donnait le royaume de France à la monarchie anglaise) est une heureuse tentative de construire la paix perpétuelle par l’union des couronnes.
Descartes n’est pas l’incarnation du génie français, mais le «témoin et l’acteur d’une Europe en recomposition et ouverte sur le monde». La marine de Colbert et de Louis XIV doit tout aux marins nés hors de nos frontières. Versailles n’est qu’un mélange d’influences italienne, espagnole, voire anglaise et Les Mille et Une Nuits sont très françaises. Même la défaite de 1940 a permis la découverte de la grotte de Lascaux.
Les anciens héros tirés du «légendaire national», comme dit Boucheron avec dédain, sont des bouffons ou des ratés. Il ne s’est rien passé à Poitiers en 732 qu’une «illusion événementielle» ; et Charles Martel n’est qu’un «maire du palais même pas couronné entouré de ses barons assis sur d’énormes baudets». La critique théologique de l’islam par le christianisme n’est qu’exagération et mensonge. En 987, «Hugues Capet fut fait roi mais il ne fit pas la France».
Jeanne d’Arc est une «invention» de la IIIe République. Napoléon ne restera dans l’histoire que pour son Code civil. Le crime de Balzac est d’avoir inventé «un découpage des cultures en nations» où l’on se moque de l’accent allemand du banquier Nucingen. 1917 est l’année de la révolte des Kanaks ; 1942 celle de la rafle du Vél’ d’Hiv ; et de Gaulle tient sa légitimité de Brazzaville et non de Londres. Seule la prise de la Bastille échappe à la déconstruction générale: on l’aurait parié.
Simone de Beauvoir, Franz Fanon, Michel Foucault ou Dominique de Villepin, ou encore Zinédine Zidane, sont les nouveaux héros que l’on impose à l’adulation des foules. […]
Eric Zemmour – Le Figaro