Les caractères de son nom renvoyèrent un temps aux initiales de Vittorio Emanuele Re d’Italie, son chœur des Hébreux délivre un message universel et ses chefs-d’œuvre font encore salle comble de nos jours. Portrait d’un génie italien, maître de l’art vocal, qui sut se renouveler.
Né la même année que Richard Wagner, Giuseppe Verdi (1813-1901) composa une œuvre lyrique qui alla dans le sens contraire de celle du maître de Bayreuth. Si Wagner avait inauguré la plénitude du drame musical en développant ses causes philosophiques et religieuses, Verdi chercha plutôt dans son art à en exprimer les effets sur la condition humaine. Les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, mais leur rivalité entre germanisme et culture latine fut également emblématique de leur époque.
Verdi naquit à côté de Busseto en Italie, dans la province de Parme. Il grandit dans une famille pauvre et ne renia jamais ses origines paysannes. Ainsi apprend-il la musique en autodidacte. À 23 ans, sans diplôme, sans fortune et sans relations, il travaille à la composition d’œuvres dans lesquelles il exprime les goûts simples et la poésie naturelle qui l’entourent. À 26 ans, il connaît un premier succès à la Scala de Milan avec son opéra Oberto, puis c’est avec Nabuccoen 1842, et son fameux chœur des Hébreux chantant leur détresse d’esclaves, qu’il sera enfin lancé. En effet, le public qui reste sensible à la condition de l’Italie sous l’occupation autrichienne, s’y identifie. Dorénavant, ses œuvres jouent un rôle politique dans le cadre du Risorgimento et Verdi sera connu, à son insu, comme « maestro de la révolution. » S’ensuit une période de maturité pendant laquelle Verdi compose sa « trilogie populaire »: Rigoletto, Le Trouvère et La Traviata. Il s’agit le plus souvent de mélodrames musicaux dont se détachent Rigoletto, inspiré par un texte de Victor Hugo, et La Traviata d’après une pièce d’Alexandre Dumas fils.
Propriétaire agricole
Pour les autres œuvres composées pendant cette époque – Simon Boccanegra, Le Bal Masqué, Macbethet Les Vêpres Siciliennes –, Verdi ne se soucie guère de l’indigence de ses livrets. Devenu riche, il devient propriétaire agricole à Sant’Agata. Après La Force du Destin et Don Carlos, opéra où il s’investit davantage en recherche harmonique, il est sollicité par le Khédive d’Égypte à l’occasion de l’inauguration du canal de Suez. Il produit ainsi un opéra à grand spectacle, Aïda, qui sera donné en 1871 à l’opéra du Caire.
Malgré le succès éclatant de ses mélodies intarissables, Verdi reste insatisfait. Les temps changent et la musique évolue, surtout depuis que l’on s’intéresse de plus en plus à Richard Wagner. L’art de Verdi possède une qualité un peu facile où les grandes passions tendent à être illustrées en musique d’une manière plus proche du mélodrame que du drame. Il se tourne alors davantage vers les pièces de Shakespeare et compose en 1887 un véritable chef-d’œuvre, Otello, puis, à 80 ans, un Falstaff, balayant ainsi toutes les conventions auxquelles il obéissait jusqu’alors. En matière de musique religieuse, il écrit une messe de Requiem empreinte de théâtralité en 1874, mais Verdi semble avoir gardé des rancunes anticléricales à cause de l’attitude de l’Église envers le Risorgimento. Il se défend pourtant d’être athée et termine sa longue vie en créant une maison de repos pour musiciens âgés, ainsi que d’autres œuvres charitables.
Une leçon d’humilité
La valeur spirituelle de la musique de Verdi n’est donc pas explicite, mais son attachement à la terre natale et ses émotions poétiques expriment profondément le pathos et la grandeur de la condition humaine. Verdi croit en Dieu comme on croit à la nature bienfaisante. Se remettant lui-même en question tout au long de sa vie en tant qu’artiste et musicien, il croit surtout en la capacité de l’homme à progresser vers le Bien comme vers le Beau. Dans sa simplicité paysanne, il nous assène une belle leçon d’humilité à l’usage de nos contemporains, artistes et musiciens. Période de l’histoire d’Italie qui vit l’unification de la Péninsule et la réduction des États Ponficaux (1848-1849).
Pour aller plus loin :
Judith Cabaud
En route vers l’infini, musique et foi (portraits de musicieux)
Éditions de L’Homme Nouveau, 268 pages, 19 €