Eh bien, voilà ! On y arrive : c’est un peu lent, un peu poussif, mais ça va, sans aucun doute, dans la bonne direction. Quelle direction ? demanderez-vous. Eh bien, l’azimut que pointe le doigt à l’ongle manucuré du monsieur qui n’est pas tout à fait une femme, mais qui le voudrait bien. Il est accompagné d’une femme qui a tout d’un mec, mais ne le sait pas. Bref, ce sont les transgenres qui montrent la voie.
L’université d’Oxford, la plus ancienne université d’Angleterre, remonte à la date de la prise de Jérusalem par les croisés en 1099. À titre de comparaison, la Sorbonne ne sera créée que 150 ans plus tard. Neuf siècles ont passé : le très sérieux Times, de Londres, nous dévoile aujourd’hui le contenu d’un dépliant remis à tous les étudiants de cette brillante et séculaire université dont la devise est « Dominus illuminatio mea » (« Le Seigneur est ma lumière »). Ce document, nous dit le journal, part d’une idée toute simple : utiliser des pronoms traditionnels – il ou elle – revient à sous-entendre qu’il n’existe que deux genres ; c’est, en soi, une discrimination qu’il faut combattre à toute force.
Le dépliant incite fortement les étudiants à rejeter les pronoms sexués – beurk – et à utiliser un pronom neutre afin d’éviter tout soupçon de discrimination à l’égard des transgenres.
Ce sera « ze » à la place de « he » ou « she ».
Pour le moment, rien n’est obligatoire, les étudiants feront comme ils l’entendent, mais Peter Tatchell, l’un des plus célèbres militants LGBT outre-Manche, a salué ce geste : « Ne pas systématiquement souligner les divisions et barrières de genre est une avancée positive. » Certes… certes ! Voilà un individu… pardon, une personne… euh, comment dire ? Voilà, en tous cas, quelqu’un/e qui ne manquera pas de prosélyter pour que ce nouveau genre – ni masculin « he », ni féminin « she », ni même neutre « it » – prenne place dans la grammaire anglaise. La rencontre du quatrième type, en somme ! Il paraît que l’université de Cambridge s’apprête à suivre le mouvement.
Pour l’heure, le Peter joue mezzo voce : « Il s’agit de prendre conscience des identités de genre changeantes et de respecter le droit de chacun à se définir comme homme ou femme. » Là, je sursaute ! Se définir comme mâle, c’est « he », et comme femelle, c’est « she ». Alors, à qui s’appliquera « ze » ?
Mon raisonnement est atterrant, pas progressiste pour un sou ; réac, en somme. Il faut créer du neuf, ne serait-ce que pour frapper les esprits. Et puis, c’est rigolo, « ze » : c’est exactement ce que mon prof d’anglais m’interdisait de prononcer quand je voulais dire « the ».
Et les bateaux ? Tu y as pensé, aux bateaux, Peter ? Ton pays aime tellement la mer qu’il a donné aux navires le genre féminin. On laisse comme cela ? On annule ? Je te propose une solution toute simple. Les bateaux à voile restent féminins : « she ». Les bateaux à vapeur passent masculin : « he ». Quant à ceux qui sont à voile et à vapeur, ils deviennent neutres : « ze ».
Alors, heureux, ma poule ?
Yannick Chauvin – Boulevard Voltaire